Tout doit être revu

Avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Matthieu 2, 12

Dans une interview au JT de la chaîne italienne Canale5, le Pape François affirmait que le futur du monde de l’après-covid dépendra de notre décision d’emprunter un nouveau chemin. Cela me fait penser à la visite des mages que nous avons célébrée récemment.

Il insiste : « si nous reprenons les mêmes choses qu’avant… ce sera négatif. Tout doit être revu. »

Le temps est supérieur à l’espace

Même si les valeurs ne changent pas dans l’histoire, l’expression de ces valeurs dépend toujours de la culture de l’époque.

Le pape nous lance trois défis pour cette année nouvelle:

  1. Que pouvons-nous mettre en place pour que tous les enfants aient la possibilité d’aller à l’école?
  2. Comment lutter contre la faim, et en particulier, la faim dont sont victimes les enfants?
  3. Quelle est la voie de la paix?

Le pape insiste: Si nous voulons sortir de la situation liée à la pandémie sans tenir compte de ces trois aspects: la sortie sera pire.

Le défi de la fraternité

François nous met en garde contre la fantaisie. Son pragmatisme sud-américain préfère le réalisme des choses concrètes aux solutions fallacieuses. Idem pour les solutions à trouver pour les « nouveaux pauvres du Covid ». Ils nous faut résoudre leurs besoins. Une piste avancée: la proximité amène la résolution des problèmes. Cette proximité souhaitée peut porter l’étiquette de la fraternité qui est, selon lui, le mot clé. Nous devons être inventifs et audacieux (sans tomber dans la fantaisie) pour « ouvrir des chemins d’espérance ».

Interview du 10 janvier 2021
Dans cette interview accordée à Fabio Marchese Ragona, le pape fait allusion à son livre: Un temps pour changer, issu de ses échanges avec le journaliste britannique Austen Ivereigh. C’est aussi dans ce livre que le pape met le doigt sur la précarité des migrants qui vivent dans la promiscuité de camps insalubres en pleine pandémie du coronavirus.

Et pour notre pastorale?

Il s’agit de profiter de cette épreuve pour changer de cap. Cette pandémie aura permis à de nombreux prêtres de découvrir les techniques modernes pour répondre à l’invitation du pape à se rapprocher des fidèles. Dans le journal La Croix du 6 janvier, les journalistes décrivaient cette période en termes de véritable « crash-test » pour l’Eglise. L’enjeu immédiat sera de retrouver une certaine forme de proximité entre les chrétiens. Nous avons à mettre en oeuvre notre audace missionnaire pour que la fraternité soit plus que jamais à l’agenda de nos réunions pastorales. Notre vision pastorale ne peut faire fi de la fraternité, au risque de nous tromper de mission.

La crise peut être une opportunité

Il est vital que nous ne retombions pas dans le piège de faire « comme avant », comme si, rien ne s’était passé durant cette année écoulée. Bien sûr, l’Eglise ne change pas : c’est la même foi à la présence du même Seigneur qui est professée. Mais le fait d’avoir été privé de pouvoir nous rassembler, de faire Eglise, change notre manière d’être chrétien.

Regarder la messe sur un écran c’est bien mais nous avons une foi incarnée. C’est physique la foi chrétienne. J’en veux pour preuve ce geste essentiel de notre liturgie qu’est l’imposition des mains. Evidemment, on peut le faire à distance mais le toucher est tellement constitutif de notre être qu’on ne peut s’en priver. Et Dieu a choisi de se faire chair et pas que esprit.

Autre enseignement de cette crise: l’importance pour beaucoup de pouvoir communier et solidarité avec ceux qui ne le peuvent pas. En outre, l’eucharistie est, par essence, communautaire. Cette année, le rythme liturgique de notre cheminement sur terre a été plus que perturbé: on a quand même zappé la semaine sainte (avec la messe chrismale, les baptêmes d’adultes). Inimaginable, même dans le pire scénario. Et malgré tout, on est passé au travers. Noël a ressemblé, plus que jamais, au premier Noël de par sa sobriété imposée par les mesures sanitaires. Et on n’est même pas certains de pouvoir célébrer la fête de Pâques en 2021 (en assemblée digne de ce nom). Il y a de quoi être décontenancé.

Rassemblement et dispersion

Il ne faut pas être devin pour imaginer que beaucoup de personnes âgées ne rejoindront plus les communautés chrétiennes. Et, les jeunes se choisiront des lieux de vie qui correspondent à leur sensibilité.

Un prêtre avec qui j’ai cheminé au début de mon ministère disait: si l’évêque n’avait plus que deux prêtres à sa disposition: il en faudrait un à l’hôpital (pour les malades et les soignants) et un autre qui visiterait les prisonniers. Nous n’en sommes pas encore là mais ces deux champs de la pastorale, désertés par la force des événements, doivent redevenir prioritaires.

Il faudra aussi accepter de renoncer à des structures ou des pratiques qui nous empêchent d’être là où le Seigneur nous attend.

La synodalité du Peuple de Dieu

Avec son motu proprio du début de la semaine, le pape nous invite à un engagement plus explicite dans l’évangélisation. En dissociant les ministères conférés aux laïcs à la figure masculine du prêtre, le pape nous aide à ne pas tomber dans le piège de tout analyser à partir du prisme du prêtre.

Donc, les chrétiens, plus que jamais, doivent prendre leurs responsabilités: assurer le lien, la proximité et la fraternité là où le Seigneur les appelle. Les périphéries les attendent. Et le langage de la synodalité doit devenir l’espéranto du Peuple de Dieu. C’est la synodalité qui nous permettra de garder le contact avec ceux qui ne peuvent plus nous rejoindre. En se nourrissant de l’Eucharistie et de la Parole de Dieu (contraction concentrique du coeur) nous sommes invités à aller vers ceux qui sont éloignés (contraction excentrique du coeur). Les deux mouvements du coeur sont essentiels pour nous maintenir en vie.

La participation active et fructueuse de tous est nécessaire. C’est justement dans la mission que le Seigneur nous accorde sa joie. Alors pourquoi s’en priver?

Prions avec le pape pour que cesse cette pandémie… et que nous en tirions un enseignement pour demain!

3 commentaires

  1. Cadet Permalink

    La fraternité bien joli mot mais qu’en est-il réellement ? Aurons-nous l’audace de penser et de vivre l’église autrement ? Avons-nous des lieux pour y réfléchir ?

  2. Francis Permalink

    L’éloignement ne nous empêche pas de valoriser le contact physique nous pouvons tous imposer les mains et recevoir cette imposition, nous pouvons sourire et accueillir l’autre.
    Par delà la fraternité il y’a l’Amour apprenons à nous aimer les uns les autres mais aussi nous même;
    La prière doit nous tourner vers les autres.

  3. Permalink

    Le travail du cœur est important.
    Aider les autres par la pensée tout en douceur quand le contact est impossible.

Comments are closed.