Homélie Epiphanie (C)

Pour les lectures de ce dimanche:

https://www.aelf.org/2022-01-02/romain/messe

La quête des mages comme manuel de spiritualité

Cet Evangile est extraordinaire car il est comme un manuel magnifique de toute la vie spirituelle. L’intérêt pour les choses spirituelles et le sens de la vie ; la recherche du Seigneur à travers sa Parole et l’adoration du Dieu que l’on a reconnu comme tel. Ce qui est frappant avec les mages, ces païens venus d’Orient, des astrologues perses sans doute, c’est qu’ils se sont mis en route en emportant leurs trésors avant même de savoir qui ils allaient trouver et devant qui ils se prosterneraient.

Marabouts et féticheurs

Il y a beaucoup de gens qui cherchent dans les étoiles. Ils ne cherchent pas tant le sens de la vie qu’une certitude sur l’avenir. On peut chercher en regardant les étoiles, en tirant les cartes, en lisant dans les traits de la main. On peut chercher de mille manières et il y a beaucoup de gens qui le font aujourd’hui. Ils cherchent des certitudes sur l’avenir mais ils ne cherchent pas le sens de la vie. C’est frappant d’ailleurs quand on se souhaite la bonne année. On souhaite la bonne santé et que tout se passe comme les gens souhaitent que cela aille. On voudrait dominer l’avenir et posséder quelque chose que l’on ne sait pas.

La tête tournée vers le ciel

La démarche des mages est exactement à l’envers: ils cherchent le sens de la vie. Ils pressentent que quelqu’un est au-delà de tout. Certes païens, ils cherchent déjà celui qui est à l’origine de tout. Saint Paul le dira d’ailleurs dans son Epître aux Romains. A partir de la simple observation de la nature et de la création, on peut remonter jusqu’au Dieu créateur. Ceux qui ne le font pas, parce que peut-être leur ciel est obscurci par les soucis du monde, c’est aussi souvent par paresse ou par facilité. C’est vrai que c’est difficile de chercher, de s’intéresser aux choses, d’oser chercher le sens de la vie. Aujourd’hui, on voudrait nous servir cela tout prêt, tout cuit à bon marché. Les mages ont cherché et ils ont trouvé cette étoile car ils observaient le ciel. Ils étaient attentifs aux choses spirituelles.

Hérode, propriétaire de ses certitudes

Les mages ont donc suivi cette étoile et sont arrivés à Jérusalem. Et là, ils s’adressent à Hérode qui convoque les scribes. Cette réaction est intéressante. Hérode fut bouleversé et tout Jérusalem avec lui. Voilà un événement qui va bouleverser l’état de fait, l’état des choses et qu’ils voudraient dominer. Ils n’avaient absolument pas envie d’être dérangés par quelqu’un qui en plus se présenterait comme un roi. Où est le Roi des Juifs qui vient de naître? Mais le roi des juifs, dit Hérode, c’est moi! Il ne peut pas y en avoir d’autre. Tout autre roi qui se présenterait serait un imposteur. Il faut donc l’éliminer. Son pouvoir est en danger. Il est propriétaire de son pouvoir, de son peuple. Hérode se conduit comme un propriétaire qui a peur d’être dépossédé. Encore une fois, c’est l’attitude inverse de celle des mages. Eux ont pris leur trésor non pour le garder mais pour l’offrir. Et quand Hérode demande à quelle date l’étoile est apparue, c’est pour pouvoir, plus tard, massacrer tous les enfants de moins de deux ans, pour être sûr d’avoir éliminé ce rival potentiel. Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant pour que j’aille moi aussi, me prosterner devant lui. Un menteur et un imposteur. Ce roi fantoche qui se noiera dans l’ivresse de la vengeance et de la violence est à l’image de tous ces rois de la terre qui veulent posséder et qui, quand ils ne possèdent plus, se vengent dans la violence.

Les scribes enfermés dans une religion intellectuelle

Quant aux scribes et aux prêtres, ils connaissent l’Ecriture. Ils savent que c’est de Bethléem, terre de Juda, que doit sortir le Messie qui sera le berger de son peuple, Israël. Ils sont des savants qui savent mais qui ne se déplaceront pas à Bethléem. C’est terrible ces gens qui savent mais leur théorie ne leur sert à rien. Leur théorie les condamne, les enferme dans des choses intellectuelles. Leur religion n’est pas expérimentale. Leur foi n’est pas une rencontre car ils ne font pas la démarche d’aller rencontrer Celui qui vient. En réalité, les scribes et les prêtres n’attendent personne. Le monde juif attend le Messie mais eux ne lèveront pas le petit doigt pour aller le voir. Même quand ils iront plus tard voir Jean-Baptiste pour lui demander: Est-ce que c’est toi le Messie?, ils ne feront aucun effort pour aller au-delà, pour reconnaître Celui que Jean annonçait. Non seulement, on ne voudra pas le reconnaître mais on le chassera, on le condamnera sans même l’avoir entendu.

Suivre l’étoile

Alors les mages se remettent en route après Jérusalem et ils suivent le chemin indiqué vers Bethléem. Et l’étoile leur apparaît de nouveau. Et cette étoile, bientôt, ne sera plus une étoile dans le ciel ; ce sera Jésus lui-même. Ils entrent dans la maison et découvrent l’enfant et sa mère. Et ils se prosternent. Et ils leur offrent leurs cadeaux. C’est bouleversant car ces mages qui sont des savants se prosternent devant ce petit enfant.

L’or, l’encens et la myrrhe

Ils lui offrent symboliquement ces trois présents. L’or parce qu’ils le reconnaissent comme roi. L’encens parce qu’ils le reconnaissent déjà comme Dieu (ils reconnaissent Dieu dans cet enfant: seule la Vierge Marie l’avait fait jusqu’alors avec Joseph et les bergers). La myrrhe est offerte prophétiquement parce que, sans le savoir, ils annoncent déjà sa mort. La myrrhe qui servira à l’embaumement de celui qui meurt parce qu’il est vrai homme en même temps qu’il est Dieu. Cette démarche des mages est impressionnante.

Une démarche spirituelle

Cette démarche est proposée à nous tous. Est-ce que je cherche vraiment dans les événements, dans le monde et la création le Dieu au-delà de tout. Un Dieu qui guiderait ma vie. Un Dieu qui donnerait sens à toute chose. Suis-je prêt à chercher dans l’Ecriture, non pas pour savoir des choses et faire de la belle théologie théorique mais pour concrètement rencontrer Celui qui est annoncé, Celui qui parle dans l’Ecriture. Irai-je me prosterner devant cet enfant en laissant tout, en déposant tout, en offrant jusqu’à ma personne.

Saint Paul a reçu cette révélation: toutes les Nations sont appelées pour être associées au même héritage, au même corps ; au partage de la même promesse dans le Christ Jésus. Tous les hommes (Juifs et païens) sont appelés à être incorporés au Christ. Le Christ est venu dans le monde pour manifester l’amour du Père. Nous le reconnaissons à travers le visage de cet Enfant, à travers l’Eucharistie et à travers les pauvres qui sont autant de visages de Dieu.

La Vierge Marie connaît cette prophétie d’Isaïe. Elle est heureuse d’une joie parfaite car elle voit cette prophétie se réaliser.

Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. En grand nombre, des chameaux t’envahiront, de jeunes chameaux de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens ; ils annonceront les exploits du Seigneur.

Isaïe 60, 1-6

Le coeur de la Vierge Marie est radieux, il se dilate parce que le fils qu’elle a porté et qu’elle a couché dans une mangeoire, c’est ce Dieu vers qui désormais les hommes iront se prosterner. La Vierge Marie, figure de l’Eglise est radieuse de voir le monde reconnaître Dieu.

Une Eglise missionnaire appelée à se prosterner devant son Roi

Sommes-nous membres de cette Eglise radieuse? Bien sûr, on peut se dire: 2000 ans après, qu’est-ce qu’il en reste? C’est un processus lent. Petit à petit l’Evangile progresse dans le monde. Elle n’a pas à vouloir posséder le monde. Chaque fois qu’elle l’a tenté elle a été martyre et dépossédée car dénaturée. L’Eglise s’est étendue dans le monde non pas pour faire connaître sa puissance mais pour faire connaître la gloire de Dieu. L’Evangile est arrivé maintenant jusqu’aux extrémités de la terre mais voilà que par chez nous l’Evangile s’est comme éteint, obscurci. Il faut sans cesse réveiller ce qui a été planté. Combien la nouvelle évangélisation est urgente dans nos pays d’Europe. Sans le savoir, nos contemporains l’attendent. Il y a tellement de puissants qui cherchent à éteindre cette lumière. Il y a tellement de gens qui n’espèrent plus, qui ne croient plus. Nous sommes cette Eglise radieuse et joyeuse qui veut faire connaître ce message d’espérance inouïe qui nous est offerte et à laquelle nous adhérons de tout notre coeur. Prosternons-nous devant cet autel pour adorer notre Dieu, le fils unique bien aimé et frère de tous.