Homélie du 4e dimanche de l’Avent (C)

Les lectures de ce dimanche:

https://www.aelf.org/2021-12-19/romain/messe

Visitation

Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers une ville de Judée. Qu’est-ce qui rend Marie si pressée? Est-elle pressée d’aller annoncer LA Nouvelle à Elisabeth? Ce n’est pas le genre de Marie de s’étendre sur le sujet. Je ne l’imagine pas ainsi. Si elle est partie en hâte c’est parce que l’Esprit-Saint qui est en elle la pousse vers sa cousine. Cette rencontre entre ces deux femmes est extraordinaire.

Elisabeth a l’âge d’une grand-mère et Marie est une toute jeune fille presque encore adolescente. Les deux portent un enfant. L’une porte toute l’attente d’Israël ; l’autre tout le salut qui vient. Elisabeth, c’est l’immense désir d’Israël qui, depuis des siècles, attendait celui qui viendrait sauver son peuple. Marie, c’est celle qui porte Celui qui vient sauver le peuple, Celui qui vient accomplir la volonté de Dieu.

Dans l’épître aux Hébreux qui reprend un psaume de David, nous voyons le Christ, le Messie qui porte ces paroles:

Tu n’as voulu ni offrande ni sacrifice; tu m’as formé un corps. J’ai dit: « Me Voici, je suis venu mon Dieu faire ta volonté ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre ».

Epitre aux Hébreux 10, 5.7

Le drame de l’humanité, c’est la désobéissance

Le drame de l’humanité c’était que l’homme s’était détourné de Dieu en croyant qu’il pourrait faire son bonheur tout seul. Il a cru qu’il pouvait vivre sans lui. L’homme rencontre le mal chaque fois qu’il veut se passer de Dieu. Chaque fois qu’on le range dans nos tiroirs de la sphère du privé. Le drame de l’humanité, c’est la désobéissance. C’est le manque de confiance. On a rejeté Dieu comme si Dieu était un rival; comme si Dieu allait nous empêcher d’être nous-mêmes, de nous développer, de nous épanouir.

Or on sait que sans Dieu, c’est une voie sans issue: c’est la voix du plus fort. C’est ce que nous constatons chaque jour dans notre monde.

Dieu a hâte de nous aimer

L’Epitre aux Hébreux met sur les lèvres du Christ cette phrase du psaume de David:

J’ai dit : « voici je viens ».

Psaume 40, 7

Il vient avec empressement. Il vient sauver son peuple. Il vient sauver les brebis que Dieu son Père lui a confiées. Jésus le dira à la fin de son existence terrestre:

Je suis venu allumer un feu sur la terre. Et comme il m’en coûte qu’il ne soit déjà allumé.

Luc 12, 49

Le Christ, dès les origines, porte en lui toute cette mission que le Père lui confie: manifester l’amour infini que Dieu a pour tous les hommes. Un amour d’empressement; un amour d’époux pour une épouse; un amour de bien-aimé. C’est aujourd’hui qu’il faudrait relire ces paroles du Cantique des Cantiques:

La voix de mon bien-aimé ! C’est lui, il vient… Il bondit sur les montagnes, il court sur les collines, mon bien-aimé, pareil à la gazelle, au faon de la biche. Le voici, c’est lui qui se tient derrière notre mur : il regarde aux fenêtres, guette par le treillage. Ma colombe, que je voie ton visage, que j’entende ta voix. Ta voix est douce et ton visage charmant.

Cantique des Cantiques 2, 8-9.13-14

Nous qui sommes pécheurs, nous qui sommes enfermés dans le péché; Dieu nous regarde et nous aime comme un fiancé aime sa fiancée. Il ne regarde pas la laideur de notre péché. Il ne regarde que notre attente. Il ne regarde que le désir de notre coeur de trouver une issue à travers les impasses du monde.

Nous attendons Noël. Nous attendons la venue du Sauveur. En réalité, c’est lui qui attend avec impatience cette Heure pour laquelle il est venu. C’est lui qui est pressé, beaucoup plus que nous, de nous apporter le Salut. Il a hâte de partager avec nous l’amour de son Père.

Nous aussi nous portons en nous le Christ

C’est la première question que nous pouvons nous poser à la veille de Noël. Est-ce que chacun d’entre nous sommes pressés de porter au monde Celui que nous portons? La plupart d’entre nous allons communier tout à l’heure et porter Celui qui est la vie. Sommes-nous pressés de porter cette Vie à tous ceux qui nous entourent? Aurons-nous le même empressement de Marie à porter l’Evangile auprès de ceux qui sont proche de nous mais aussi ceux qui sont plus éloignés et même ceux qui sont dans la nuit profonde du doute, de l’ignorance, de la violence ou de la haine. Si nous sommes vraiment ses disciples, alors nous ne pouvons pas ne pas le porter avec empressement, avec hâte.

Aujourd’hui, avant même Noël, nous sommes pressés de porter cette Bonne Nouvelle à tous ceux que le Seigneur nous fait rencontrer, à tous ceux que le Seigneur nous donne de croiser. L’amour du Christ nous presse. Il urge.

Caritas Christi urget nos.

II Corinthiens 5, 14

Elisabeth : la figure de l’attente

Regardons celle qui attend la réalisation de Celui qui doit venir: Elisabeth qui, dans sa vieillesse, représente l’humanité stérile, qui ne donne plus aucun fruit. Elisabeth, c’est comme l’épouse du Cantique des Cantiques. Voici mon Bien-aimé qui vient. Je l’entends. Il arrive, bondissant sur les collines. Le Bien-aimé est porté par la Mère. Il est porté par l’empressement que l’Esprit-Saint donne à Marie. Et Marie entre chez Elisabeth pour la saluer. C’est toujours Dieu qui fait le premier pas.

Nous ne savons rien des paroles de Marie. Son salut est muet car le silence parle beaucoup plus que les mots. Le silence va toujours beaucoup plus loin que tout ce que l’on peut dire.

Alors, pleine d’Esprit-Saint, Elisabeth pousse un grand cri: Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni. Comment m’est-il donné que la Mère de mon Sauveur vienne jusqu’à moi?

Marie l’Arche de l’Alliance nouvelle

Elisabeth, sans qu’on ait besoin de lui expliquer quoi que ce soit a reconnu la Mère du Sauveur, comme la Présence de Dieu était portée par l’Arche de l’Alliance autrefois. Elle reconnaît le Seigneur en Marie. Elle a tressailli d’allégresse et son tressaillement s’est transmis à l’enfant qu’elle portait. Est-ce que c’est le contraire (Jean-Baptiste qui tressaille dans le ventre d’Elisabeth)? Peut-être. Toujours est-il qu’il y a un échange mystérieux entre la mère et son fils. Ici, nous voudrions nous reconnaître en Elisabeth. Comment m’est-il donné que la Mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi? C’est toujours Marie qui porte la Nouvelle. C’est elle qui nous porte cette Parole qui nous vient de Dieu, une Parole vivante. L’autre jour (le deuxième dimanche de l’Avent), on entendait la voix qui criait dans le désert mais on disait : la voix n’est pas la Parole. Mais aujourd’hui c’est la Parole qui vient jusqu’à nous. C’est le Verbe qui se fait chair. C’est la Parole d’Amour par qui tout existe et sans qui rien n’existe.

Le plus grand drame: ne plus avoir de désir

Deuxième question que je nous pose: Est-ce que moi-même j’attends cette Révélation? Est-ce que moi-même j’attends cette venue de Celui qui vient nous sauver? Est-ce que je sens ce désir en moi d’être rejoint, d’être sauvé? Si je prends la vie comme elle vient; si je me contente de ce que j’ai; si je me contente de ce que le monde est alors je n’attends rien. Aucune politique du monde ne peut répondre à l’angoisse de nos contemporains. Dieu seul, parce qu’il est l’Amour et la Vérité, peut rejoindre ce monde douloureux en nous envoyant son Fils.

Nos familles, nos communautés comme autant de Bethléem

Serions nous comme dans la première lecture, si insignifiants et pauvres, nous, petite paroisse perdue dans l’immense monde? Est-ce que chez nous pourrait naître le Sauveur? Est-ce que nous pourrions accueillir dans nos coeurs un peu poussiéreux Celui qui veut venir? S’il ne trouve pas de place chez nous, où la trouvera-t-il? Où trouvera-t-il à naître pour le monde si ce n’est pas chez nous? Que cette ultime préparation à Noël soit pour nous des jours d’attente, de désir et de joie.