La croissance ne nous appartient pas… mais il nous appartient de cultiver la terre.

Textes de la liturgie (11e dimanche dans l’année B) :

https://www.aelf.org/2021-06-13/romain/messe#messe1_lecture4

Le Royaume est-il si proche de nous?

Le Royaume de Dieu est paix et justice. Jésus nous dit qu’il est tout près de nous. Il est au milieu de nous. Et cependant, nous constatons sans cesse le contraire. Partout des échecs, des scandales, des humiliations, des violences, la mort, la misère et la pauvreté. Si le Christ était aussi fort qu’on le dit, si l’Eglise était si sainte qu’on le dit, tout cela se verrait. Au lieu de cela, quand on regarde le monde, il y a des jours où on peut être pris de vertige.

Un remède à la morosité: les paraboles

On entend parfois une petite voix cynique au fond de nous-même: où est-il ton Dieu? Vraiment, les paraboles sont pour nous un remède. La première dit que la semence germe et grandit, quoi que fasse l’homme qui l’a plantée. Il y a quelque chose qui nous échappe. C’est une grande tentation dans ce vertige du monde et de l’Eglise

Afin de contrer ce vertige, il y a de nombreuses tentations qui peuvent sévir dans les paroisses il y a celle de la théologie de la prospérité. Il faut des paroisses brillantes qui rameutent les foules. On se dit qu’au moins, cela va se voir. Cela va se savoir surtout. On va mesurer la sainteté d’une paroisse au baromètre de sa fréquentation. (Ah Monsieur le curé, votre église est pleine tous les dimanches…)

En fait, ce n’est pas cela la question. La vraie question est plutôt: est-ce que chacun est dans la main de Dieu? Chacun prend-il vraiment conscience de l’amour dont il est comblé? Est-ce que chacun communique et témoigne de cet amour? La croissance doit nous échapper. Le vrai succès ne se voit pas. Le succès ne se mesure pas par des quantités. Le véritable succès n’est jamais visible aux yeux humains. C’est Dieu qui sait.

Celui qui cultive une terre caillouteuse dans un pays méditerranéen (par exemple) aura un rendement bien moins grand que celui qui cultive une terre de chez nous. Mais peut-être que la récolte du sud sera bien plus méritoire que celle de notre région tempérée. Qu’est-ce qu’on en sait finalement de la difficulté réelle que Dieu permet au milieu de nous? La seule chose que Dieu nous demande c’est de planter, c’est de semer.

Notre devoir: semer, patienter et poser un acte de foi

La deuxième parabole va dans le même sens mais vient encore préciser les choses. Le contraste est total entre la taille de la semence et la taille de l’arbre qu’elle produit. Aurons-nous la patience d’attendre? Le royaume de Dieu est présent mais il est caché.

Je pense aux grains de blé découverts par Howard Carter dans la tombe de Toutankamón, en 1922. Mises en terre, ils ont commencé à germer après 3000 ans dans la tombe du jeune fils de Pharaon.

Le Christ nous demande toujours un acte de foi. L’Eucharistie nous demande un acte de foi. Cette humble hostie est-elle réellement le corps de Jésus? Je vais à la messe mon père mais je ne ressens rien? C’est grave? Mais les effets de l’Eucharistie ne se ressentent pas. Ils nourrissent ma foi. Mais, par nature, la foi est obscure. Elle me fait tenir dans ma nuit. Plus la nuit est obscure, plus la foi est parfaite. Quand on voit, on n’a plus besoin de la foi. Pourquoi donc Jésus s’y prend-il de cette manière?

Les débuts loin d’être prospères sont même lamentables

Jésus est le Verbe incarné. C’est la Parole de Dieu qui se fait chair, qui se fait frère. C’est Dieu qui se dit. Et quand il est apparu, il s’est montré enfant ne sachant pas parler. Dieu tout puissant vient à notre rencontre sous les traits d’un bébé qui fait dans ses couches… Le monde rigole. Certes, mais il est sauvé, même s’il ne le sait pas. Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font.

L’Eglise aussi a commencé lamentablement avec douze apôtres. L’un s’est pendu pour avoir trahi. Le chef a renié. Les autres ont fui car ils avaient la trouille. Il n’en restait qu’un au Calvaire. Et de cette humble Eglise sortiront des milliards de chrétiens jusqu’à aujourd’hui. Vraiment, le Royaume de Dieu ne fait pas de bruit. La petite pousse, c’est l’Arbre de la Croix planté sur le caillou du Calvaire. C’est bien cette petite pousse qui sauve le monde et qui donnera le grand arbre de l’Eglise dans lequel tous les oiseaux du ciel pourront faire leur nid et pourront trouver refuge. Pourquoi Dieu s’y prend-il de cette manière?

La puissance de Dieu est dans sa vulnérabilité

Parce que la puissance de Dieu n’est pas conforme à l’idée que nous nous faisons de la puissance. La puissance de Dieu c’est la puissance de son amour. Or l’Amour prend patience. L’Amour ne cherche pas son intérêt. L’Amour ne s’enfle pas d’orgueil. L’Amour ne tient pas compte du mal. L’Amour supporte tout. L’Amour endure tout. Dieu ne nous fait jamais de reproche. Il ne nous regarde pas selon nos offenses. Et de cela, on n’en parle pas.

A la télévision, on parle plus des scandales car cela fait vendre. Les saints d’aujourd’hui ne font pas beaucoup de bruit sur les réseaux sociaux. J’étais fasciné, quand j’étais petit, qu’un grain d’herbe puisse soulever une dalle de béton. Idem pour les saints d’aujourd’hui dans le monde. Ils soulèvent tout. Aujourd’hui, quand il y a trois centimètres de neige en Belgique, le pays est bloqué. Un rien nous arrête. Mais on n’arrête pas le Royaume de Dieu. Rien ne l’arrête. Même s’il semble aussi fragile qu’un brin d’herbe.

Ce qui dépend de nous

La croissance ne dépend pas de nous et la plus petite graine est capable de produire une plante immense. Mais ce qui dépend de nous c’est de préparer et cultiver la terre. Il faut aussi éviter que la semence n’aille sur les chemins où tout est mangé par les oiseaux. Il faut protéger la Parole que nous recevons. Elle risque d’être enfouie dans le brouhaha des réseaux sociaux. Si tout se vaut, comment peut-on espérer que la Bonne Parole entendue pendant une heure le dimanche à la messe garde son poids dans le vacarme de ce qui ponctue nos jours et nos nuits. Une heure sur une semaine c’est peu pour changer le monde et un homme. Quelle est la place de la Parole de Dieu dans notre vie de tous les jours? A nous de faire de la place pour que les graines puissent faire leurs racines. A nous de cultiver notre coeur pour que la foi puisse faire ses racines. Est-on suffisamment attentif à cultiver la foi, à l’entretenir et à la nourrir? Ça c’est à nous de le faire. Quelle est la place de notre vie chrétienne dans notre vie de tous les jours? Dieu nous donne tout. Il donne la semence. Il donne la croissance de la semence. Mais à nous de permettre cette croissance