Dieu n’a pas fait la mort

Lecture du 13e dimanche dans l’année B :

https://www.aelf.org/2021-06-27/romain/messe#messe1_lecture4

Deux guérisons de mort qui séparent

L’Évangile de ce dimanche nous offre deux récits étonnamment imbriqués. Une femme souffre de pertes de sang depuis douze ans. Et une petite fille de douze ans qui se meurt. Qu’ont donc en commun ces deux femmes ?

Une femme, donc, a des « pertes de sang ». La vie la quitte peu à peu, s’écoule hors d’elle-même, du lieu où son corps crie le désir de porter la vie. Le mal qui la ronge touche son identité de femme et son désir d’enfant. La mort fait son œuvre en elle depuis douze ans. Elle a couru les médecins, dépensé des fortunes en remèdes divers, en vain.

La mort de cette femme est aussi sociale. Ses pertes de sang en font une femme impure, et donc infréquentable, coupée de la société mais aussi de la religion. Comme les lépreux.

Toucher le vêtement du Salut

Observez le courage de cette femme dont la soif de vie est plus forte que la foule qui entoure Jésus, compacte. Elle va traverser la foule afin de « toucher » le vêtement de Jésus. « Si je peux le toucher, croit-elle, je serai sauvée. » « À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. »

Cela se passe à l’insu de Jésus qui « se rendit compte qu’une force était sortie de lui ». La foi de cette femme a provoqué dans la personne même de Jésus quelque chose d’inattendu. Comme si elle le révélait à lui-même.

Dieu cherche toujours la rencontre

« Qui a touché mes vêtements ? », demande-t-il en se retournant. Jésus cherche toujours la rencontre personnelle, de visage à visage.

La femme vient à lui, toute tremblante « et lui dit toute la vérité », comme si sa foi était un délit, elle qui voulait simplement vivre.

Mais Jésus, bien loin de la récriminer, lui dit : « Ma fille, ta foi ta sauvée. Sois guérie de ton mal. » Il ne dit pas « Je t’ai sauvée » mais « Ta foi t’a sauvée ». Foi en Jésus, bien sûr, mais aussi en elle-même, en la vie plus forte que la mort. En authentifiant sa guérison, Jésus la rend dans le même mouvement à la communauté des croyants, la réinsère dans des relations vivantes.

Pourquoi Jésus l’appelle « ma fille » ? Y aurait-il un lien avec la « petite fille » dont Jaïre vient implorer la guérison en se jetant aux pieds de Jésus ? Jésus, retenu par la femme, a trop tardé : la mort a fait son œuvre. Pourquoi, dès lors, déplacer le maître ? Mais Jésus se fait provoquant : « L’enfant n’est pas morte, elle dort. » Se rendant auprès d’elle, il ordonne : « Jeune fille, lève-toi. » « Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. »

C’est la foi qui sauve

La « petite fille » de Jaïre devient, dans la bouche de Jésus, une « jeune fille ». Et, de fait, 12 ans est l’âge de la puberté. Jaïre, son père, n’aurait-il pas à accepter que meure sa « petite fille » pour que celle-ci devienne femme, capable à son tour d’enfanter, ce que ne pouvait pas faire la femme venue implorer Jésus ?

Ce passage, qui garde sa part de mystère, nous montre la mort à l’œuvre de multiples façons, parfois très subtilement. Il nous montre surtout que Jésus, partout où il passe, suscite un puissant désir de vivre, la foi en une vie possible. Il rend les personnes à elles-mêmes et les relie à une communauté.

Un ministère de guérison

Cela résonne très fortement en moi. Je vois tant de personnes qui ont dépensé des fortunes en médecines diverses, des plus officielles aux plus farfelues et qui viennent déposer leur misère au prêtre que je suis. Je les aide simplement à s’ouvrir au regard de Jésus, à se laisser regarder par lui, à l’entendre dire : « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime. » Coulent alors des larmes de libération. Comme Jésus, je suis amené à mettre des mots sur ce qu’elles vivent : « ta foi t’a sauvée » et à chercher avec elles comment se relier à une communauté de vivants. 

Ne restez pas extérieurs à cette scène. Demandez la grâce de vous mettre dans la peau de ces deux femmes, mais aussi de Jésus. Peut-être avez-vous à supplier Jésus de donner vie à des parts de vous-mêmes qui sont comme mortes ? Il se laisse toucher par notre misère, lui qui est toute miséricorde.