Dieu se cherche une maison

Homélie du 4e dimanche de l’Avent (année B)

Dans la première lecture d’aujourd’hui, David veut construire un temple à Yahvé mais … Dieu ne veut pas se laisser enfermer dans un temple de pierre. David aimerait offrir à Dieu une demeure stable, un espace sacré, alors que le Seigneur se veut nomade avec son peuple, il veut l’accompagner partout où il se trouve. 

La fête de Noël nous révèle que le temps où l’on cherchait Dieu sur les sommets, dans les nuages, dans les sanctuaires, dans les rites et les sacrifices c’est fini. Fini, le temps où les hommes multipliaient les efforts pour s’élever jusqu’à Dieu (Tour de Babel). Ce n’est pas nous qui devons monter pour nous approcher de Dieu, c’est Dieu qui descend et vient habiter chez-nous.

À Noël, nous célébrons le Dieu qui se cherche une demeure. Le contraste entre le projet de David et celui de Marie devient évident. Marie reçoit Dieu dans son humble maison de Nazareth et lui permet d’habiter en elle. Elle devient alors la nouvelle arche d’alliance, le nouveau temple de Dieu.

Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit habite en vous? Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous ! (Saint Paul, I Co 3, 16-17)

En cette fête de Noël, Dieu cherche un endroit où habiter. Espérons que nous ne soyons pas obligés de constater que chez-nous, comme à Bethléem, «il n’y a pas de place pour lui dans notre auberge». Dieu ne veut pas être mis à part, il ne souhaite pas être enfermé dans un lieu précis, si beau soit-il. Il ne faut jamais enfermer Dieu à double tour dans un tabernacle pour espérer qu’il nous laisse vivre notre vie pépère. Il préfère vivre dans la confusion de nos vies quotidiennes. 

La venue de Dieu n’a rien «d’une visite officielle» comme celles que font les grands de ce monde qui se rendent en secret en Ukraine par exemple, dans un blindé, entourés de centaines de soldats. Ces dirigeants n’ont aucun contact avec les gens du peuple qui souffrent de la violence, de la peur, de l’angoisse, de la pénurie d’eau, de denrée, de médicaments et d’électricité. Quand il vient à Noël, Jésus n’est pas entouré de gardes du corps et de grandes mesures de sécurité. Il entre dans notre monde en clandestin, en sans-papier. Il veut être près de nous pour savoir exactement ce qui se passe dans nos maisons et dans nos cœurs. Il n’a pas besoin d’itinéraires prédéterminés «pour motif de sécurité».

Dieu ne fuit pas les difficultés de la vie. Il est simplement l’un de nous. Il s’invite dans nos maisons, comme il le fit chez Marie. Nous pourrons alors le conduire un peu partout, dans le vrai monde, particulièrement chez ceux et celles qui souffrent, chez ceux et celles qui ont le plus besoin de notre aide. C’est ce qui s’est passé avec Marie. Après l’annonciation, Marie quitta son village «en hâte» pour visiter sa cousine Élizabeth qui avait besoin d’assistance. Marie voulait ainsi partager sa grande joie d’être devenue le temple de Dieu.

La liturgie de ce quatrième dimanche de l’Avent pourrait s’intituler: «Dieu cherche une maison !» Luc constate «qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’auberge»… et saint Jean ajoute : «Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu». Chez Marie, le Seigneur a trouvé un accueil chaleureux : «Que tout se passe pour moi selon ta parole». Espérons qu’il en soit ainsi chez-nous en cette fête de Noël. 

Je pense souvent à cet aubergiste qui avait laissé dehors ce jeune couple de Nazareth, faute de place. Je l’imagine, quelques heures plus tard, devant la crèche. « Si j’avais su, petite… ». Vous auriez dû le voir, le pauvre. C’en était presque drôle. Ce pauvre homme était plus encombré de son sentiment d’avoir failli à son devoir d’hospitalité qu’émerveillé par cet enfant qui donnait à l’étable une nouvelle lumière. Marie devait lui dire : « rassurez-vous Monsieur, je ne vous en veux pas ». C’est vrai qu’il avait fait ce qu’il pouvait… Rassure-toi aubergiste, Dieu ne t’en veut pas. Dieu ne demande jamais de faire l’impossible, c’est toujours lui qui le fait. S’il avait vécu suffisamment longtemps pour rencontrer l’aubergiste d’Emmaüs, il aurait appris que lorsque quelqu’un vient, il y a quelquefois bien plus grand que lui. Quelqu’un que l’on ne soupçonne même pas. Les compères taverniers, en évoquant leurs souvenirs de carrières, riraient ensemble de ce que la vie apprend à ceux qui vivent. 

Je ne peux m’empêcher de penser que dans ma vie de prêtre, je n’ai pas pu faire entrer dans l’auberge de l’Eglise, faute de place ou de temps, ou parce qu’ils se sentaient exclus ou pas assez bien, tous ceux qui auraient pu profiter de la vie en abondance que le Seigneur donne sans compter. Je pense alors à mon collègue de Bethléem. L’histoire de tous les aubergistes de l’Evangile, je l’entends comme un appel à vivre la vie comme on dresse une table, pour la joie de la simple rencontre. Je l’entends pour moi, je l’entends pour vous aussi. Rappelons-nous qu’un Autre, de temps en temps, s’invite sans crier gare. Et cet Autre, cela peut être le Seigneur qui se fait chair, qui se fait frère.

Le mystère de l’Incarnation n’est pas simplement un anniversaire de naissance. C’est une invitation à partager la vie même de Dieu dans notre vie de tous les jours.