Méditation sur le 4e dimanche de Carême C

Les textes du dimanche se trouvent ici:

https://www.aelf.org/2022-03-27/romain/messe

Un homme avait deux fils

et moi je suis les deux fils à la fois.

Je suis le sombre et je suis le clair.

Je suis le jour et je suis la nuit.

Je suis l’ombre et je suis la lumière.

Je suis celui qui part et je suis celui qui reste.

Je suis le fidèle et je suis celui qui fuit.

Je veux être vrai et je refuse cette vérité.

Je suis de face et je suis de dos.

J’ai mes bons côtés et j’ai mon mauvais profil.

Je suis à la fois celui qui demande le pardon

et celui qui exige de garder ses privilèges.

Un homme avait deux fils 

et moi je suis les deux fils à la fois. 

Je suis un mélange ;

Je suis mêlé jusqu’au fond de moi.

Je suis tiraillé, contradictoire, 

ballotté, écartelé jusqu’au fond de moi-même.

Je voudrais que mes paroles soient douces 

et elles tranchent comme un couteau. 

Je voudrais que mes mains soient généreuses 

et elles se ferment comme un poing. 

Je voudrais que mes gestes soient accueillants 

et ils sont brutaux, secs, fermés. 

Je voudrais aimer et je condamne.

Je voudrais être fraternel et je juge. 

Je voudrais être tolérant et je suis le contraire.

Je voudrais être ouvert et je me ferme. 

Je voudrais un cœur de chair et j’ai un cœur de pierre.

Un homme avait deux fils … 

Je suis ces deux fils à la fois.

Je suis le printemps et je suis l’hiver. 

Je suis le meilleur et je suis le pire. 

Je suis ma droite et je suis ma gauche. 

Je suis venu ici

avec mon double visage ;

avec mes doubles vies 

avec mes deux volontés. 

Je suis venu ici avec mes amours et mes indifférences. 

Avec mes mains ouvertes et mon cœur fermé.

Je suis venu jusqu’ici. 

Je suis qui je suis. 

Je suis tel que je suis 

et je suis deux :

l’extérieur et l’intérieur ;

le paraître et l’être, 

mon image et ma réalité.                                                                                  

Ce que je voudrais que l’on pense de moi et ce que moi je pense de moi. 

L’espérance que je donne et la réalité que je suis.

Je suis venu jusqu’ici

et je me suis tourné vers Dieu.

Mais Dieu m’attendait les bras ouverts

Dieu m’avait déjà pardonné depuis longtemps.

Tous mes péchés étaient déjà passés par le trou

que la pierre roulée avait ouvert le matin de Pâques.

Dieu n’avait rien à me reprocher ;

Dieu n’avait pas de compte à régler avec moi.

Dieu n’avait pas de questions à me poser.

Dieu ne m’a pas mis en examen.

Il n’avait pas de dossier à mon nom.

Dieu n’était que Miséricorde.

J’aurais peut-être aimé que Dieu m’en veuille 

Il ne m’en voulait pas.

Je m’attendais à ce que Dieu soit furieux 

Il n’était que pardon.

Non pas un pardon qui se fait sentir, qui se fait payer son prix ;

un pardon accordé contre des promesses et des pénitences. 

Non pas un pardon comme la bonté du riche pour le pauvre 

ou la grâce du juste pour le pécheur…

Non.                                                                                           

Mais un pardon de tendresse ;

un pardon sans nuage, 

un pardon de soleil et de ciel bleu,

un pardon qui avait déjà fermé le livre des comptes, 

le livre de mes erreurs, de mes déficits, de mes faillites. 

Un pardon qui ne pensait qu’à m’aimer

sans jamais plus penser à ce que j’avais fait .

Restait donc le plus difficile. 

Restait donc pour moi le plus rude, 

le plus ardu, le plus terrible.

Il fallait me réconcilier avec moi-même.     

                                                                                                                                                                                     

Un homme avait deux fils 

et je suis ces deux fils. 

Celui qui reste et celui qui est parti. 

celui qui revient   
et celui qui ne veut pas entrer dans la fête. 

Celui qui a tout gaspillé   
et celui qui a tout gardé. 

Le joueur et le travailleur, le noceur et le bosseur ,

celui qui s’en fout 
et celui qui prend tout à cœur.

Je suis les deux et c’est pour cela que je suis ici.

Je ne suis pas venu ici 

pour me réconcilier avec Dieu

parce que Dieu n’a pas besoin de réconciliation.

Qui suis-je pour détenir le pouvoir 

de prononcer le divorce avec Dieu ? 

Pour qui je me prends

si je pense que je peux faire du mal à Dieu ? 

Pour qui je me prends

si je m’imagine que je peux quitter le cœur de Dieu ? 

Bien sûr je peux toujours partir

mais je n’aurai jamais le pouvoir 

de refermer les bras de Dieu. 

Je n’aurai jamais le pouvoir 

d’empêcher le pardon de Dieu. 

Je n’aurai jamais le pouvoir 

de rompre la Miséricorde.

Je suis ici parce que je suis deux .

Dieu a deux fils

et les deux fils c’est moi. 

Je suis venu ici 

réconcilier les deux fils ensemble. 

Je suis venu ici 

réconcilier mon jour et ma nuit

mes ténèbres et ma lumière 

mon dedans et mon dehors 

mon cœur et mes gestes 

mes idées et mon comportement 

mon visage et mon intérieur 

ma vérité et mon erreur 

le fidèle et l’infidèle.

Je suis venu jusqu’ici

pour réconcilier ma vie et ma foi 

me réconcilier avec moi-même.