Homélie sur la prière

Les textes du 17e dimanche du temps ordinaire de l’année C:

https://www.aelf.org/2022-07-24/romain/messe

Ce dimanche d’été nous offre une excellente occasion pour réfléchir sur la prière chrétienne. 

J’ai eu l’occasion pendant mes visites aux camps de passer par un monastère de sœurs contemplatives. Si quelqu’un nous dit que les sœurs cloitrées ne servent à rien, on pourrait leur raconter cet épisode de la vie d’Abraham. Il se met à discuter avec le Seigneur. Comme un bon commerçant, il négocie :

« Ok, il y a des milliers de débauchés dans cette ville, mais tu ne peux pas faire périr les justes avec les coupables. Donc, s’il y a seulement 50 justes, tu peux bien pardonner à toute la ville, n’est-ce pas ? » « Ok », dis Dieu. Abraham insiste, il négocie un tarif plancher et Dieu accepte de renoncer au châtiment pour à peine 10 justes. Ce marchandage avec Dieu est touchant. C’est cela le rôle de nos sœurs cloitrées, sans leur intercession, le monde serait exposé au souffre ! Prions pour que les religieux et religieuses continuent de faire du commerce avec le Bon Dieu, nous en avons bien besoin !

Nous connaissons malheureusement la suite. Dieu ne trouvera pas 10 justes, mais un seul, Loth. Du coup, Sodome va être englouti sous une pluie de souffre et seul Loth sera sauvé.

A propos du péché de Sodome, cette ville se trouvait dans l’actuelle mer morte. Lorsqu’on va en pèlerinage en Terre Sainte, beaucoup aiment se baigner dans cette eau saturée de sel, les corps flottent à la surface, ils peuvent lire un journal assis dans l’eau, c’est amusant. Mais lorsqu’une goutte d’eau atteint l’œil, c’est beaucoup moins drôle. Ça brule tellement que c’est insupportable. Il en est de même avec le péché, il peut nous tromper et sembler amusant, mais en réalité il brule notre âme ! C’est pour cela que nous avons besoin d’intercesseur qui, comme Abraham, nous obtiennent la miséricorde de la part du Seigneur.

Venons-en à notre second point, le rôle particulier de la persévérance dans la prière. Jésus nous présente un père de famille très agacé par son voisin qui vient lui demander de la nourriture en pleine nuit.

A plusieurs reprises, Abraham dit dans sa prière à Dieu : « Oserai-je ? ». Le ton est donné, chers frères et sœurs. Jusqu’où va notre audace et, pour le dire autrement, jusqu’où va notre confiance en Dieu et en nous-même ? Dans l’Évangile, Jésus donne un nom surprenant à cette audace. Il parle de « sans-gêne ». De cet homme à qui le voisin demande en pleine nuit de lui donner trois pains, Jésus explique : « Même s’il ne se lève pas pour les donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami.» 

D’ordinaire, parce que nous avons été bien élevés, nous avons le souci de ne pas agir inconsidérément, de ne pas déranger, et le « sans-gêne » n’est pas bienvenu ! Mais ici, il l’est ! Et c’est même parce que l’homme est « sans-gêne » que Jésus dit que rien ne lui résistera. Jésus nous invite à agir sans façons et sans complexes. Vraiment, j’admire les jeunes chrétiens lorsqu’on dit qu’ils ont une foi décomplexée ! Et je pense que c’est une chance pour notre Église. Parfois, nous regrettons d’avoir dit telle ou telle parole. Mais au fond, le plus souvent, nous regrettons ce que nous n’avons pas eu le courage de dire. Et ne limitons pas ce sans-gêne à la prière. L’audace de la prière éveille aussi en nous l’audace de la mission.  

A la bonne éducation que nous avons reçue, Jésus donne deux réponses. Les mots du « Notre Père » et l’invitation à être sans-gêne.

Ce jour-là, Jésus n’a pas enseigné à ses apôtres une prière, mais une manière d’entrer en contact avec Dieu. Chaque phrase du Notre Père pourrait faire jaillir une prière. 

Dans ce modèle de prière qu’est le Notre Père, nous prions d’abord pour le règne de Dieu.  

Le Royaume de Dieu devient réalité dans la vie des gens lorsque notre monde est construit sur l’amour, la compassion, la justice, la liberté, la dignité humaine et la paix.

Par contre, lorsque le nom de Dieu est méprisé et que tout ce qui est sacré est déshonoré, très souvent les relations humaines se détériorent. Quand Dieu est mis de côté, l’être humain a tendance à devenir le centre de toute décision, à se faire Dieu. Quand j’étais plus jeune et que l’on prenait des photos, on aimait prendre des paysages qui nous faisait admirer l’amour du créateur pour sa création. Maintenant, on fait des selfies car nous sommes au centre de tout et tout doit tourner autour de notre monde. Quel changement.

Le Christ nous invite donc à prier d’abord pour que le Royaume de Dieu arrive, pour que les injustices soient éliminées et que la paix et l’amour règne parmi nous. 

Après avoir prié pour le règne de Dieu, le Notre Père nous invite à prier pour nous-mêmes. 

Il ne s’agit pas d’une prière privée, mais d’une prière communautaire : «donne-nous notre pain de tous les jours… remets-nous nos offenses, comme nous les remettons… libère-nous du mal…» Nous prions toujours au pluriel, au nom de la communauté. 

Le Notre Père n’est pas une demande à Dieu d’agir à notre place. Ce pourquoi nous prions, Dieu nous demande de l’accomplir dans nos propres vies : Le règne de Dieu, le pain partagé, le pardon reçu et accordé, la libération du mal dans nos vies. 

Il est malheureux aujourd’hui que les gens déclarent n’avoir ni le temps ni le désir de prier. C’est sans doute ce qui leur permettrait de faire face aux difficultés de la vie, de rendre le monde meilleur, de se pardonner mutuellement, de construire la paix, de faire naître l’espérance, d’aimer Dieu et d’aimer le prochain. La prière ne change pas toujours la situation que nous affrontons mais toujours notre regard sur la situation.

Si la prière ne change pas notre destin, elle change nos sentiments, utilité qui n’est pas moindre.

Joseph JOUBERT

En tant que chrétien, il nous faut éviter de banaliser le Notre Père, de le répéter machinalement, comme s’il s’agissait d’une formule de prière quelconque. Le Christ a voulu nous enseigner «une manière de prier» qui puisse s’adapter à toutes les circonstances et à toutes les époques. 

« Seigneur, apprends-nous à prier », apprends-nous à retrouver nos valeurs chrétiennes, à donner à Dieu la place qui lui revient et aux autres l’amour auquel ils ont droit. 

Le notre Père en araméen, la langue de Jésus

Un commentaire

  1. Cécile Permalink

    youpi, j’ai trouvé!
    Suis admirative de cette superbe présentation et heureuse de trouver l’entièreté des si belles homélies.

    Le Notre Père en araméen, quelle merveille!!!

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