DISCERNER LA VOLONTÉ DE DIEU : REPERES et CRITERES

1 : Est-ce que je me berce de douces illusions ?

Sur la mer de notre vie, il peut y avoir des mouvements visibles à la surface. L’art du discernement consiste à repérer ce qui se joue en profondeur. Le but de l’entreprise étant de nous éviter de nous fourvoyer en prenant des vessies pour des lanternes. Lorsqu’on a soif d’absolu, on risque de tomber sur des mirages.

Un autre risque consiste à prendre des craintes superficielles pour des obstacles insurmontables. Par exemple, la crainte de ne « pas être à la hauteur » de ce que Dieu nous demande. Il y a des talents ou des défauts que nous n’oserions pas mettre sur notre CV si Dieu était un directeur de ressources humaines. Fort heureusement, Dieu n’est pas un DRH. Il utilise rarement un chemin humainement facile pour arriver à ses fins. En outre, cela peut peut-être cacher la peur de vivre totalement pour Dieu. On oublie que, finalement, c’est Dieu qui agit à travers nous. Avec Dieu, tout est bien de l’ordre de la promesse et de la grâce : « sois sans crainte, petit troupeau, … le Père a trouvé bon de vous donner le Royaume.» Cette heureuse annonce peut donner une forme nouvelle à notre existence. 

La fréquentation de la Bible nous permet de mieux saisir ce qui rend ma vie unique. Qu’est-ce qui fait que je suis moi? On connaît tous des moments d’exaltations passagères qui nous tirent de la réalité et sont parfois utilisés à mauvais escient. Mais il y a aussi des exaltations qui nous arrachent de notre torpeur pour nous provoquer à vivre en vérité. Et celles-là sont providentielles et à prendre en compte.

L’art du discernement consiste donc à apprendre à se découvrir tel qu’on est. A être face à soi en vérité sans concession ni fausse pudeur devant le seul miroir qui soit révélateur: le miroir de la prière. Prier consiste à se tenir devant le Christ, tel qu’il est et non tel que je me l’imagine. Nous devons apprendre de Dieu qui il est. Et Dieu aime le réel. Quand la réalité semble insignifiante, c’est que mes yeux sont encore fermés. Combien d’erreurs de discernement ont été commises par fuite du réel…

2 : La vie spirituelle consiste à tenir bon dans la tempête.

La vie dans l’Esprit est une partition de musique ! Il faut tenir compte du rythme (temps), de la mélodie (espace) et de la pulsation (respiration). La mélodie oscille entre quelques rythmes enthousiasmants et de nombreuses phases de rythme plus creux… Il y a des rythmes joyeux et des rythmes graves. D’où l’importance d’une saine respiration pour accepter que la vie spirituelle n’est pas faite d’évidences. Il y aura des tempêtes. Il y aura des moments de profonde paix intérieure. Tout ne peut donc pas être question de ressenti. Il faut le juste équilibre entre la RAISON, la SENSIBILITE, et l’ACTION. De nombreux groupes spirituels pèchent par manque d’équilibre. Certains ne sont que rationnels, d’autres ne visent que l’affect. Et nous verrons aussi que l’HUMOUR est essentiel dans le combat spirituel.

Quand on navigue en pleine mer, arrivent les moments de tempête. Ces moments où tout n’est qu’amertume et dégoût. On appelle cela la désolation du coeur en spiritualité. La tempête peut donner le mal de mer. C’est dans ces moments-là qu’il faut tenir. On maintient le cap en gardant solidement la barre. On s’accroche surtout. Le GPS de notre embarcation cherche désespérément les satellites. Au début, cela commence bien puis petit à petit, une aigreur s’installe au niveau de la gorge. Les questions surgissent « à quoi bon? », « est-ce que je ne me suis pas trompé? ».

Il faut tenir. Coûte que coûte. C’est vrai pour la vie de prière. C’est aussi vrai pour le discernement des vocations. Dans les crises, il y a deux écueils à éviter: vouloir revenir en arrière et vouloir changer de cap.

Trois raisons possibles à cette tempête intérieure :

Le mal de mer s’installe quand le cerveau n’arrive pas à traiter les informations transmises à l’oreille interne et aux yeux, d’où les sensations de vertige et les nausées. Il y a un conflit entre nos sens. Je deviens malade car il y a des mouvements contradictoires entre mon corps et la mer. 

1 – Quand la ligne d’horizon n’est pas nette, je me relâche. Bien sûr j’aime toujours Dieu mais petit à petit, je perds le contact visuel avec lui. Je ne l’entends plus car je ne lui parle plus. Disons que je pense à lui, tout au plus. Ou pire, je pense plus à moi qu’à lui. D’où l’impression de mal de mer !

2 – A force de penser à Dieu, j’oublie que sur terre, là où j’habite tout n’est pas blanc ou noir. J’oublie que les choses sont plus subtiles que si elles étaient totalement en Dieu. Au ciel nous pourrons nous sourire tous les jours mais sur terre, les petits conflits sont inévitables. La réalité est souvent nuancée. Je dois toujours être à l’écoute du monde.

En effet, ma façon d’agir, je ne la comprends pas, car ce que je voudrais, cela, je ne le réalise pas ; mais ce que je déteste, c’est cela que je fais.

saint Paul aux Romains, chapitre 7, verset 15

Il faut admettre que ma conversion est toujours en cours. Elle n’est pas faite une fois pour toute.

3 – L’orgueil pourrait consister à ne pas admettre que finalement, c’est Dieu qui agit. Bien sûr, je lui mets mes talents à disposition. Mais la petite gloriole personnelle peut me fair oublier qui conduit qui. Si j’ai du talent, c’est parce que Dieu me l’a donné. Je n’ai donc aucun mérite à espérer. Ma libre volonté doit toujours s’accorder à la volonté de Dieu.

Savoir aussi naviguer dans les eaux calmes :

A certains moments de ma traversée spirituelle, j’ai l’impression que tout est net. Je comprends avec limpidité les événements qui tissent mon histoire. Je suis heureux tout simplement. En paix. Comme sur une mer d’huile. Heureux d’être avec Dieu, heureux de trouver un sens à la vie, heureux d’être à ma place. Nous pourrions comparer cela à la douce ivresse de l’Esprit.

Soit c’est lié à quelque chose de clair: j’ai trouvé la femme de ma vie. J’ai été exaucé. J’ai l’impression que tout va bien pour moi. Soit la cause est inexpliquée. Je suis bien et je ne sais pas pourquoi je suis dans cet état.

Quand la maturité spirituelle s’installe, le côté un peu euphorique fait place à une lucidité plus pénétrante et sobre. La maturité s’obtient quand on progresse harmonieusement dans les trois vertus théologales (foi, espérance, charité).

Ces temps ne durent pas. C’est la raison pour laquelle il faut les capitaliser. Il faut en faire des réserves pour les inévitables périodes de disette, plus ou moins longues. Il faudra en faire mémoire aux moments plus arides. Et pour ne pas perdre totalement contact avec le réel, il faut aussi se souvenirs, à ces moments-là des moments moins glorieux de notre cheminement.

C’est le temps des bonnes résolutions. Reprendre contact avec quelqu’un à qui on a promis d’appeler. Donner ou recevoir un pardon. Prendre plus de temps pour la prière.

3 : L’inévitable moment du combat.

Tout le monde fait l’expérience de la tentation qui peut mettre à plat le beau château de cartes en un seul coup. L’ouragan peut nous faire chanceler dans nos bonnes intentions et bons sentiments. On ignore trop souvent le fait que l’intensité de la tentation est empruntée à notre propre force. Dans le naufrage du Titanic, comme dans tout naufrage, c’est l’énergie que l’on déploie pour se débattre qui nous coule. Faites la planche et vous ne coulerez pas.

3 principes utiles :

Premier principe : Rapidité

On résiste mieux à la tentation lorsqu’on la combat sans délai. Inutile de tergiverser. Si vous êtes tenté par regarder ce qui se passe sur tiktok, éteignez immédiatement votre ordinateur (même sans y réfléchir) sachant qu’il mettra longtemps à se rallumer. Vous aurez ainsi la flemme de relancer la machine et peut-être la tentation vous passera. Mais si vous jouez avec la tentation en essayant de la combattre dans la durée, le combat est presque perdu d’avance. On vainc la tentation quand on lui résiste tout de suite, avant même que le temps ne joue en sa faveur et que le « bon côté » de la tentation prenne le pas sur la prise de conscience que ce n’est pas une bonne idée que de poursuivre la navigation.

Deuxième principe : venir à la lumière !

La stratégie du mal consiste souvent à faire croire que ce n’est pas mal. Il est donc intéressant de nommer le péché par son nom en étant clair: je suis avare, je suis orgueilleux, je suis gourmand, je suis jaloux, j’ai de nombreux besoins sexuels, etc… Pour ne pas tomber dans l’autre piège (la dépréciation à outrance: je ne vaux rien). Il est même conseillé d’en parler à quelqu’un à qui on a totalement confiance. Quelqu’un qui ne juge pas et qui constitue un vis-à-vis sûr. Cette mise à distance de son péché est nécessaire pour que les choses soient claires, sans être dramatiquement présentes à notre esprit coupable. Mais il faut être net et éviter l’a-peu-près. Appelons un chat un chat et n’édulcorons pas la vérité dans une mièvrerie inutile.

Troisième principe : autant être prévenu tout de suite

Il est crucial de bien se connaître pour apprendre à discerner. On ne peut se mentir à soi-même. Connaître les côtés plus sombres de notre personnalité est salutaire. Autant ne pas se le cacher, irrémédiablement, à un moment donné, la faille de notre vie sera exploitée. La vigilance va de pair avec l’humilité. Il faut donc être sur ses gardes car le combat spirituel est une étape incontournable du processus de discernement. On n’y échappe pas. On trouve dans l’humour une arme essentielle dans le combat spirituel (l’autodérision, mettre le doigt sur le côté grotesque de la situation et l’art de la réplique).

Parce que la vie spirituelle est un combat, il faut donc tenir compte des tentations. Je pense pouvoir dire que les tentations varient beaucoup selon que l’on est au début, ou déjà avancé sur le chemin de l’union à Dieu. L’ennemi public numéro un dans le combat c’est l’illusion mais on l’évoquera au point 5. Il n’est pas inutile de rappeler les différentes étapes que l’histoire de la mystique chrétienne reconnaît. Dès le 4e siècle, on évoquait la voie purgative, la voie illuminative et la voie unitive. Saint Augustin collait les étiquettes suivantes sur les différentes étapes: la voie des commençants, des progressants et des parfaits. Ces étapes sont calquées sur la tripartition de la personne humaine en corps, âme, esprit et indiquent une montée de l’homme vers Dieu au cours de laquelle il se spiritualise ou se divinise pour reprendre l’expression: Dieu se fait homme pour que l’homme devienne Dieu. (saint Irénée)

Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi.

Galates 2, 20

4 : la vie spirituelle: marcher à la suite du Christ afin d’arriver à l’union à Dieu

Le chemin qui conduit à Dieu peut parfois être semé de cailloux, parfois large et parfois paradisiaque. Les trois voies évoquées par le pseudo-Denys ou saint Augustin ne sont pas trois chemins différents mais bien un seul chemin qui prend des formes variées.

Voie purgative des commencements :

Quand la marée est basse, la mer semble toujours loin. Le chemin de sable qui nous y conduit est parsemé de coquillages acérés, d’algues mazoutées et d’autres choses peu ragoûtantes. La plage semble interminable. Nos pieds peuvent se blesser. C’est l’étape dans laquelle le fils prodigue s’est retrouvé quand il gardait les cochons avant de reprendre le chemin de la maison paternelle.

Voie illuminative des progressants :

Parce que l’Evangile est d’abord une Bonne Nouvelle, il procure un vraie joie intérieure. Après le côté râpeux survient la suavité apportée par le regard que Dieu pose sur moi. Je me sens aimé par le Seigneur pour ce que je suis parce que je suis unique à ses yeux.

Voie unitive des parfaits:

A certains moments de notre existence, même pour de courts moments, on perçoit la présence de Dieu en nous. On sent qu’il veut habiter en nous. C’est souvent fugace mais plus fréquent qu’on ne peut l’imaginer.

Bien sûr, on devient chrétien par le baptême mais tant qu’il n’y a pas eu de rencontre personnelle avec le Dieu trinité, la foi risque de demeurer vague car trop conceptuelle. Nous ne sommes pas égaux devant ce phénomène. Il ne s’agit pas d’être jaloux du sentiment que l’autre semble être privilégié. Mais rassurez-vous, beaucoup de chrétiens expérimentent au moins par moment cette voie mystique ou unitive. Mais cela prend différentes formes en fonction de notre expérience personnelle à tel stade de notre vie.

5 : L’illusion et autres subtilités

On sait que sainte Mère Teresa de Calcutta aura vécu quelques décennies en ayant l’impression de ne rien ressentir de la présence de Dieu dans son âme ou dans son corps (au niveau sensible). Bien sûr, elle est sainte et a vécu une sorte de foi à l’état pur car elle croyait en Dieu dur comme fer mais sans en percevoir aucun signe. Ce phénomène est courant chez de nombreux saints. Les théologiens appellent cela «la nuit de la foi».

Je l’ai déjà écrit, la plus grande tentation est celle de l’illusion. Quand on est déjà passé par le chemin fleuri de la voie unitive, la tentation est grande de rechercher voire de simuler l’émotion intérieure qui a été ressentie auparavant. Je connais des personnes qui, parce qu’elles se trouvent en présence du saint Sacrement, par exemple, s’imaginent être prises par une sorte d’union mystique avec le Seigneur alors qu’il n’en est rien. Une bonne ambiance, une musique douce et une communauté fraternelle et on démarre au quart de tour les grands élans mystiques. N’oublions pas que c’est le Seigneur qui, par grâce, fait ressentir ou non sa présence. Et il peut très bien se passer de ce genre d’artifice pour que sa créature puisse expérimenter l’union à Lui. Le sentiment de plénitude peut être vicié car faux et ainsi anesthésier la qualité de notre vie chrétienne.

Il y a aussi un autre cas de figure. Je suis inquiet de ne pas en faire assez pour le Seigneur. Je sais que je suis pécheur alors je tombe dans l’activisme ou la surenchère de prière. On passe du christianisme qui sent la sainteté au christianisme qui sent la transpiration. Le mieux est parfois l’ennemi du bien. Au final, on est gagné par le découragement et on s’égare.

A contrario, je peux rejeter cette inquiétude parce que je ne la considère que comme une émanation de ma culpabilité malsaine. En fait, à ce moment là, je repasse par une phase de chemin purgatif. Ma conscience m’aide à prendre acte de la réalité pour me réveiller de ma torpeur.

D’où l’importance de se faire aider par quelqu’un qui est capable de m’aider. L’accompagnement spirituel n’est pas facultatif dans le discernement. Ce qui est bon pour moi ne l’est pas pour un autre. L’accompagnateur comme l’accompagné doit en avoir conscience. L’efficacité de l’accompagnement dépendra de la qualité des récits de progrès et de reculs dans l’histoire personnelle de l’accompagné. L’immédiateté du ressenti ne suffit pas. L’intelligence et le recul sont nécessaires.

6 : Dis-moi !

De l’importance de relire son histoire.

Les moines ont cette force de nous inviter à nous asseoir et à nous dire avec un sourire : dis-moi. Je ne te jugerai pas et tu peux être assuré que ce que tu me confies ne sortira pas da la pièce. On va réfléchir ensemble. Puisque Dieu nous a donné l’intelligence, utilisons-la. Bien sûr, l’art de l’accompagnement n’est pas réservé aux moines et moniales.

C’est le propre de Dieu de nous donner la joie.

saint Ignace de Loyola, Exercices Spirituels 329

En effet, la véritable joie est un fruit de l’Esprit-Saint dans nos vies. Il est bénéfique d’apprendre à la repérer afin d’y consentir pleinement.

Vous l’avez compris, il y a joie et joies. Il y a des joies éphémères et des joies durables. Saint Ignace en a fait l’expérience quand il était cloué au lit à la suite de sa blessure. Quand il rêvait d’être un grand chevalier, il était habité d’une grande joie, mais celle-ci disparaissait rapidement et le laissait insatisfait. Par contre, quand il rêvait de faire ce que les saints avaient fait, la joie reçue faisait naître en lui la paix et le désir de servir Dieu durant un long moment. C’est ainsi qu’il a appris à reconnaître la joie qui vient de Dieu. Concrètement, la véritable joie ne vient ni de la terre ni de nous.

Seul l’Esprit Saint peut donner la véritable joie et l’allégresse que l’on peut appeler consolation. C’est la clé de lecture principale de l’histoire sainte de l’accompagné. C’est ce qui permettra à l’accompagnateur et à son accompagné de repérer petit à petit comment s’attacher au Christ. Il n’y a pas de voie royale pour y arriver car chaque personne est unique.

Et personne n’est à l’abri de l’erreur de discernement. Ce qui ressemble à une allégresse peut n’être en fait qu’un simple feu de paille. La vraie joie n’est pas toujours exubérante. Elle peut même se vivre très sobrement. Ne parle-t-on pas d’ailleurs de « consolation ». Celle qu’on perçoit parfois sur le sourire d’un malade à l’hôpital. L’instant furtif d’une joie perçue en lisant un extrait de la Bible qui semble s’adresser à moi exclusivement.

En faisant le récit de son histoire, on est plongé dans sa mémoire. La mémoire spirituelle est un moyen de vivre en communion avec son passé déjà habité par la présence de Dieu. L’Esprit-Saint, encore lui, vient harmoniser le travail de l’intelligence, de la volonté, de l’imagination et du jugement. La mémoire est la première manière pour moi d’être mis en relation avec Dieu.


La Bible est un livre de mémoire mais pas seulement. A 169 reprises, le mot « se souvenir » est repris dans la Bible hébraïque. Faire mémoire ce n’est pas seulement se rappeler le passé mais le rendre présent. FAITES CELA EN MEMOIRE DE MOI. La Bible est elle-même une Mémoire Sainte. La Bible est parcourue par cette invitation à ne pas oublier le passé. La racine zkhr a aussi bien donné le verbe « se souvenir » que le mot « masculin » et décrit également le burin qui grave dans le marbre. Quant au mot hébreu pour « féminin », il signifie « ouverture vers l’avenir ».

Le souvenir est au centre de l’anthropologie biblique, ce qui se retrouve dès le récit de la Création. L’humain est ainsi celui qui se souvient et qui ouvre les perspectives d’avenir. 

rabbin Philippe Haddad

Concrètement, il faut donc se méfier du ressenti immédiat. Nous sommes parfois esclaves de notre ressenti alors qu’il faut rester maître du choix que nous avons fait de mener notre vie selon l’Esprit de Dieu. La vraie consolation se perçoit au niveau du fruit que cela porte dans mon histoire sainte. Si cela me fait grandir. C’est bon mais si je commence à juger les autres, si je perçois en moi des traces d’orgueil, de repli ou d’inquiétude: c’est mauvais signe. Discerner c’est donc trier.

Le déroulement des pensées est souvent révélateur pour repérer là où cela a déraillé. Entre l’apparence du bien et l’inquiétude perçue (par exemple), à quel stade la tentation de l’orgueil est-elle apparue?

Mais pas de panique. La vie chrétienne est avant tout amitié sincère, profonde et paisible avec Dieu. Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas tenté que l’Esprit-Saint a déserté votre âme. La joie et la paix sont d’ailleurs comme une seconde nature pour celui qui se sait aimé de Dieu et qui progresse sur le chemin de la vie spirituelle.

Certains ressentiront le besoin de noter quelques souvenirs de l’histoire d’amour et d’amitié qu’ils entretiennent avec Dieu. Cela peut être utile d’y revenir ultérieurement ou pendant une retraite par exemple.

7: PRIER

Présenter à Dieu le choix opéré

Parce que discerner selon l’Esprit de Dieu ne peut se vivre qu’en présence du Seigneur, la prière est le lieu où se vérifie le discernement après avoir fait mémoire de son récit et d’avoir opéré un choix. Dans la prière, on présente à Dieu le choix que nous avons fait. Bien sûr, on prie d’abord pour Dieu avec tout son être. Ce qui se passe en moi, va me faire sentir si la décision prise est bien en accord avec le Seigneur. Si nous prenons la joie pour boussole, quand on quitte le port, on avance en eau profonde et peu à peu on lâche nos filets. Un autre mènera la barque avec nous. Notre confiance ne reposera plus en nous mais en Dieu. Notre raison doit dialoguer avec l’Esprit-Saint.

Sans la sagesse du discernement, nous pouvons devenir facilement des marionnettes à la merci des tendances du moment.

pape François, Christus Vivit, 279

Dialoguer avec Dieu après avoir médité la Parole faite chair.

Il faut bien distinguer la Bible qui est un livre ouvert devant mes yeux et la Parole de Dieu qui est son écho dans mon esprit. De la lettre jaillit l’intelligence spirituelle de la Bible. L’Ecriture, comme un carburant vient alimenter le moteur de ma prière. On peut scruter la Parole de Dieu de bien des manières. On peut se nourrir de la lettre mais sans idolâtrer la lettre car il faut passer de la lettre à la chair du Verbe car la Parole de Dieu s’est faite chair. La finalité de la prière est de montrer à Dieu notre amitié en alimentant une conversation qui s’est nourrir de la méditation qui a précédé. La conversation peut parfois même se passer de mot. Un regard, une pensée exclusive à la présence de Dieu dit déjà notre amour. Dialoguer c’est toujours à deux. On parle à Dieu. Quand on lui pose des questions, encore faut-il écouter sa réponse.

CONCRETEMENT:

Dans la vie de tous les jours, je peux repérer les mouvements intérieurs que j’éprouve : positifs ou négatifs
(un élan de joie, un moment de jalousie ou d’amertume, une rencontre qui m’a rendu heureux, par exemple).

Je les identifie, j’en prends conscience et je les présente simplement au Seigneur en me tenant devant lui, sans me juger et en lui disant en toute confiance : « Seigneur, me voici, tel que je suis ! Viens en moi et donne-moi ta force pour vivre davantage en disciple. »

Ponctuellement, nous avons des choix à faire, des décisions à prendre. Saint Ignace recommande toujours de se mettre d’abord en présence du Seigneur, de lui demander son Esprit-Saint pour m’éclairer et incliner mon cœur pour faire sa volonté.

Ceci fait, je procède par étapes :

  • Tout d’abord, je formule clairement le choix à faire, à poser une question simple : par exemple « Est-il préférable que je quitte mon job actuel, oui ou non ? »
  • Ensuite, je me sers de ma raison pour réfléchir aux motivations « pour » et « contre ». Je mets dans la balance les avantages et les inconvénients. J’en dresse une liste.
  • Après quoi, je place les deux plateaux de la balance sous le regard de Dieu. J’écoute les sentiments, les émotions qui se produisent en moi, à l’idée de quitter mon travail et j’essaie de voir, à la fin de ce temps de prière de quel côté penche la balance. Si le choix envisagé produit en moi un grand emballement qui me fait voir toute la vie en rose, je reste prudent, cela pourrait être une illusion car on ne vit pas dans un monde de bisounours, nous le savons bien ! En revanche, si le choix envisagé suscite en moi le calme, la sérénité, même avec quelques inquiétudes qui n’atteignent cependant pas en profondeur la paix intérieure que j’éprouve, alors, la probabilité est grande que je sois sur le bon chemin car la paix est l’œuvre du « bon esprit ». J’accueille alors ce qui me paraît être la bonne décision.
  • Enfin, je présente ce choix à Dieu dans la prière : ce qui se passe en moi, va me faire sentir si la décision prise est bien en accord avec le désir de Dieu. Le Seigneur me le confirmera par la paix, la joie intérieure.

Et quand on a achevé la prière, il faut prendre son courage à deux mains et redescendre dans la plaine.

Le cadre spécifique de la vocation

Au terme de ce parcours, on a pris conscience de plusieurs éléments:

  • La vocation est une histoire qui doit porter du fruit, et qui a déjà commencé à en porter… sinon la question ne se poserait pas.
  • La vocation nécessite du temps. Il faut apprendre à voir comment Dieu me parle et ce qu’il veut pour moi. Cela ne se fait pas en dehors d’une vie de prière et d’amour. Car il s’agit de devenir un familier de Dieu.
  • Le discernement est le résultat d’une triple écoute: écoute de soi, du monde et des Écritures
  • C’est moi-même qui me révèlera la vocation à laquelle Dieu m’appelle. Mais je dois nécessairement me faire aider par quelqu’un de compétent et de discret. Il n’interprétera pas les signes comme une diseuse de bonne aventure. Je lui ferai confiance et accepterai qu’il m’aide même si cela ne va pas dans le sens que je souhaite. S’il m’aide à assumer ma vie dans sa totalité, je tiendrai compte de son avis.

Le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur, la maîtrise de soi.

Galates 5, 23