Saintes familles

L’enfant grandissait et se fortifiait.

Luc 2, 40

Pour découvrir les lectures de la fête de la Sainte Famille année B (27 décembre 2020) :

https://www.aelf.org/2020-12-27/romain/messe

Un dimanche pour contempler la sainte famille.

On sait combien notre famille est au centre de nos préoccupations, surtout au moment des fêtes. Le dimanche qui suit la fête de Noël c’est le dimanche de la sainte famille. A lui seul, ce dimanche célèbre les trente premières années de la vie de Jésus. Dieu aime l’ordinaire de notre vie. Il nous demande juste de le vivre intensément, de manière extraordinaire.  C’est l’occasion de rappeler la valeur de ce qui fait l’ordinaire d’une famille.

La famille du bonheur?

Le bonheur consiste à accepter non seulement les joies qui transportent mais aussi les peines qui crucifient. Et c’est un fameux problème que de se tromper sur ce qu’est le bonheur. Notre mauvaise compréhension du bonheur réside dans le fait que nous croyons souvent perdre le bonheur à l’instant même où les difficultés se lèvent au sein du couple, au sein de la famille et même dans nos amitiés. Très facilement, nous devenons les victimes de notre propre ressenti. Nous ressemblons aux escargots qui, dès qu’on leur touche leurs antennes les rentrent. La moindre chose, la plus petite remarque, le regard qui nous observe, un air qui ne nous plait pas viennent nous blesser terriblement. Et nous croyons alors que l’amour s’écroule, que l’idéal du couple, de la famille est en train de mourir. Oh que nous sommes devenus des êtres fragiles et plus encore des êtres lâches, et je me mets dans le coup, parce que c’est à ce moment-là, c’est-à-dire à l’instant où la relation semble courir un danger, qu’il faut justement s’accrocher à elle. Au lieu de se dire intérieurement, tout en fronçant les sourcils : « il ou elle ne m’aime plus », on ferait mieux être patient, de lâcher nos raisonnements puérils et de sauver notre amour en la bouclant le temps que l’orage passe.

L’amour prend patience.

La première caractéristique que saint Paul (Première Epître aux Corinthiens 13,4) donne à l’amour c’est qu’il prend patience. La patience est une vertu majeure dont l’amour ne peut pas se passer. Je me permets donc de le rappeler: l’amour, le vrai, le véritable, le labellisé par Dieu est celui qui consiste à ne jamais revenir sur l’estime qu’on porte à l’être qui vit près de nous. Il est évident que si l’autre vous a fait une crasse épouvantable, vous aurez tendance à reculer et à moins l’estimer. Mais, voyez, même là, il faut repartir en direction du lien qui vous a tant réjoui par le passé. Vous allez peut-être me répondre : « et puis quoi encore ? ». Et puis quoi, et puis quoi… je suis sûr de ce que je vous dis là. Quand on a aimé un être, quand on l’a aimé profondément, l’amour demeure toujours enfoui dans les catacombes du cœur.

L’amour ne meurt pas.

Dans la vie, aucun amour n’est vraiment fini même s’il s’est mal terminé. La preuve, et bien la voici : c’est que quand votre fils ( je prends un exemple), que vous aimez et qui fait n’importe quoi, ce fils reste votre enfant. Et votre amour pour lui demeure indéfectible. Et pourtant, vous auriez envie de l’accrocher au porte manteau, de le bousculer ce fils qui peut vous pourrir votre vie. Et d’ailleurs, vous ne vous gênez pas, vous le prenez par le cou, même s’il fait trente centimètres plus que vous : vous le secouer en lui disant : « réveille-toi bon sang ». Et par ces simples mots, vous exprimez encore l’amour fou que vous lui portez. Oui, l’amour est de nature indéfectible. Il a horreur de baisser les bras, surtout devant les difficultés, les déceptions et même devant les drames.

Lutter pour que cela continue de marcher.

Aussi, je vous en supplie, ne quittez pas la barque au moment où elle est en train de couler. Ne donnez pas des coups de rames sur la tête de celui qui est en train de se noyer. Ne réagissez pas trop vite. Ne cassez pas tout sous prétexte que les choses ne vont pas, que vous n’êtes plus comblé. A l’heure de l’épreuve, faisons jaillir de nous-mêmes toutes nos réserves de bonté, de compréhension, d’indulgence et j’y reviens… de patience. Que de couples explosent en vol, que d’amitiés se désintègrent sans que personne n’ait vraiment lutté pour que l’amour ou l’amitié soient sauvés. Je le disais en commençant : nous sommes fragiles, nous n’aimons pas régler les conflits : nous fuyons. Et notre époque ne parle que de bien-être et d’épanouissement et de plaisirs immédiats.

L’amour est aussi question de volonté.

Evidemment, la vie doit être agréable. Nous sommes d’accord. Mais, reconnaissons-le avec un peu de sagesse : elle ne peut pas l’être TOUS LES JOURS. Bien mieux qu’épanouies, nos vies doivent être accomplies. L’essentiel étant, qu’avec la personne que vous avez choisie, vous construisiez quelque chose de beau, de vrai… même au milieu de la tempête. Permettez-moi de le redire en ce dimanche de la sainte famille : l’amour vise la construction et non la satisfaction ! Et maintenant, ne soyez pas peinés si je vous rappelle ce que je dis souvent aux couples dont je célèbre le mariage : l’amour n’est pas qu’une affaire sentimentale. Certes, je sais qu’il y a dans vos unions de l’attrait, de la tendresse, de la passion mais en même temps, j’espère qu’il y a du courage car il en faut du courage pour vivre à deux dans la même maison pendant 60 ans.

Le défi de la durée.

Le temps est le sacré défi que Dieu lance à l’humanité. Quand Gaston veut fumer sa pipe dans la salle à manger et que Georgette, sa femme n’aime pas l’odeur du clan au lieu de lui dire pendant 60 ans : « va sur le balcon, tu nous enfûmes ! » Achetez-lui une belle blague à tabac et un beau briquet. Ce serait bien préférable. Et quand, de son côté, Georgette écoute en boucle dans la cuisine Julio Iglesias et que Gaston n’en peut plus de la voix roucoulante de Julio. Allez, Gaston, un petit effort : laisse-lui son idole et dites-lui quand même qu’il a une belle voix, cet Idalgo. Et oui, c’est cela l’amour. Et puis, entre nous, au sein du couple, les petites bagarres sont inévitables. Et oui, que voulez-vous, ici-bas, tout est bancal, boiteux : mettons-nous bien ça dans la tête. Vous ne vous êtes pas marié pas avec le prince charmant. Au ciel seulement, nous nous sourirons toute la journée avec la tête inclinée à 10 heures moins 10.

Ne gonflons pas les problèmes conjugaux.

Essayons, au contraire, de les dégonfler. Car il faut, en effet, que la vie soit agréable. Et cela dépend de chacun de nous qu’elle le soit. Sachons également nous contenter de la présence de notre mari, de notre femme ou de notre environnement amical tel qu’il est. Evitons l’envie et la jalousie. Apprécions l’appartement que nous habitons, le travail qui est le nôtre. Car je crois, qu’il n’y a rien de pire ici-bas que tous ces êtres sans cesse insatisfaits, mécontents de leur sort, le visage toujours incliné vers le sol, se disant en eux-mêmes, plusieurs fois par jour : « y en a assez de cette vie, de cette femme, de cet homme ; si ça continue comme ça je m’en vais ». Ces personnes-là feraient mieux de remercier le ciel d’avoir trouvé une femme ou un mari qui les supporte. Au lieu de songer à partir… qu’ils s’accrochent, les uns aux autres comme les wagons d’un train qui s’accrochent à la locomotive. Et cette locomotive, ce n’est pas seulement le Christ. C’est sûr que lui nous tire en avant. Mais c’est aussi notre bonne volonté dont Dieu notre Père a besoin pour bâtir notre bonheur.

Revenir aux origines du oui.

Sur ce point, nous avons tous à progresser car très souvent notre caractère gâche tout. Alors vous me promettez de faire un effort chers amis. Merci, moi aussi de mon côté, je vais faire ce que je peux. Ce soir ou demain, rentrez donc chez vous en disant : je ne vais plus réagir au quart de tour. Je vais supporter mon mari, ma femme et je vais essayer de redécouvrir, ce qu’il y a en lui, en elle, de beau, de grand qui m’a fait choisir un jour sa présence. 

Un idéal inaccessible?

Ma famille ne ressemble pas vraiment à la famille Lefevre qui a remporté « La France a un incroyable talent« . Mais le fait que c’est cette famille-là qui a remporté le jeu m’interpelle. Inconsciemment, cette famille représente-t-elle l’idéal inaccessible, presque oublié dans l’inconscient collectif?

https://www.youtube.com/watch?v=xf1hwyEKkdU

Mes parents sont divorcés. Je n’idéalise pas ce genre de famille « modèle ». Chez moi, elle est sacrée avant d’être sainte. Le hasard fait que je connais la famille qui a inspiré le film La Sainte Famille. C’est une famille de tradition catholique comme il en existe encore beaucoup. Une famille vraie, malmenées par la réalité de la diversité d’aujourd’hui et qui ne veut plus donner de leçon à personne parce qu’elle sait qu’elle n’est pas idéale. Il y a toutes les autres qui font « comme si » mais le vernis craquelle souvent à un moment ou à un autre et laisse apparaître une forme ou l’autre de violence. Et c’est tant mieux car la famille est toujours un archipel. Et les pires histoires sont toujours des histoires de famille.

J’ignore vraiment si la famille de Nazareth se veut être un modèle pour les familles d’aujourd’hui. Son originalité la place hors catégorie. Elle n’est pas imitable. Mais elle nous inspire les mots, les silences, les gestes qui parviennent à maintenir chacune de nos familles à flot. On sait combien nos familles sont ballottées, déstabilisées, déformées. En attaquant la famille, c’est toute la société qui est menacée. Reconnaissant que nous ne pouvons peut-être pas redresser la société, tâchons de faire de nos foyers, de nos familles, quelles qu’elles soient, des lieux d’expérimentation du respect, du pardon, de la transmission et surtout de l’apprentissage de l’amour. Bonne fête à chacune de nos familles. A toutes les familles.

La famille sera toujours la base des sociétés.

Honoré de Balzac

2 commentaires

  1. Solange Hoffman Permalink

    Merci Bryan pour ce texte où je me reconnais (41 ans de mariage et de concessions 😂).
    Vous avez uni Grégory (mon fils) et Marylène en août 2013. Ils ont adopté un magnifique petit garçon Tom et chaque jour je remercie Dieu.
    Je vous souhaite le meilleur pour cette année nouvelle et espère vous revoir un de ces jours 💕

  2. Anonyme Permalink

    J’apprécie de lire ou d’entendre un penseur chrétien moderne et de proximité.
    Je reviendrai sur votre site.
    Bonne continuation.

    GT

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