Homélie du 30e dimanche dans l’année A
Deux commandements semblables, de même importance ! Le Christ ramène tout à l’amour. Les 617 commandements, que les religieux du temps de Jésus respectaient à la lettre, sont ramenés à l’essentiel : l’amour, de Dieu et du prochain. Une chance, il n’y en a que deux. Pas de problème de mémoire, donc ! Et l’on peut rester chez soi. Aime, là où tu es, ton Dieu et tes frères et sœurs, voilà tout l’Évangile. Mais si je manque le rendez-vous de l’amour, je peux passer à côté de ma vie.
Dieu existe-t-il ?
Aimer le prochain, tout le monde sera d’accord. Cette conviction s’est même traduite dans les Droits de l’Homme. Mais l’amour de Dieu : voilà qui n’est plus évident aujourd’hui. Notre culture s’interroge. Existe-t-il vraiment ?
Cette semaine j’étais chez le coiffeur qui me dit : » Il n’y a pas de Dieu ! « – Et pourquoi donc ? rétorquai-je – S’il existait, il n’y aurait pas tout ce mal et ces êtres méchants. » J’ai opposé quelques arguments, mais en vain. La coupe achevée, je l’ai quitté. Un peu plus loin, je croise un homme à la coiffure désordonnée, à la barbe hirsute. Je fis alors demi-tour et rentrai dans le salon de coiffure et je lui dis : « Il n’y a pas de coiffeur dans cette ville ! – Et moi, alors ? – Non, il n’y a pas de coiffeur dans cette ville ! Je viens de voir un homme à la chevelure démesurée et à la barbe non taillée. C’est bien la preuve ! – Mais je n’en peux rien s’il ne s’adresse jamais à moi. – Tu vois, il en va de même pour Dieu ! »
Et pourtant, il y a des gens pour qui Dieu est essentiel dans leur vie. Je pense à sœur Emanuelle qui aimait dire : Merci Seigneur, tu m’aimes et je t’aime. C’était sa prière. Une prière toute simple, toute belle. Dieu nous a en effet aimés le premier et nous montre son amour de tant de manières – par la beauté de la nature, de la création, par la présence de nos proches et surtout en Jésus Christ.
L’amour du prochain
Quant à l’amour du prochain, c’est différent : c’est à nous de faire le pas vers eux, comme Dieu a fait le pas vers nous. Ce commandement d’aimer notre prochain est semblable en importance. Si tu aimes Dieu sans aimer les autres, tu es un menteur. Mais si tu aimes les autres sans aimer Dieu, tu risques bien de les aimer, rien que pour toi. Quand on aime ses frères « pour l’amour de Dieu », cela peut nous conduire tellement loin et nous rendre vraiment heureux.
C’est en effet d’aimer Dieu comme il nous aime, dont il est question. Son amour est toujours inconditionnel, gratuit et universel. Inconditionnel, car il n’attend pas que nous soyons aimables, parfaits pour nous aimer. Au contraire, c’est son amour qui nous rend aimables. Gratuit, parce qu’il n’exige rien en retour. Il continue à nous aimer même si nous ne répondons pas et il est prêt à aller jusqu’au pardon. Et universel, car il n’y a pas d’exception. Nous serons donc parfois invités à faire un pas en dehors de notre petit cercle d’amis, vers les gens qu’on ne voit jamais dans nos églises… Si Dieu ne fait pas d’exception, pourquoi en ferions-nous ?
Il suffit d’aimer
Il suffit donc d’aimer en vérité pour être un disciple de Jésus. « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. » Il s’agit donc de sortir de nous-mêmes et de nous mettre en route vers les autres. Quand l’autre est aimé en vérité, Dieu est rencontré.
Un jour, un prêtre, pieux s’il en est, tenait en main son chapelet au volant de sa voiture. C’est mieux qu’un GSM au volant. Le long de la route, un auto-stoppeur. Notre chauffeur, absorbé par sa prière, continua son chemin. Et tout à coup, l’image de cet homme lui revint avec force et il n’arrivait plus à se concentrer sur ses Je vous salue Marie. Il finit par faire demi-tour. « C’est vous qui êtes passé tout à l’heure ? Vous avez fait demi-tour ? – Oui… » Et notre chauffeur de raconter ce qui lui était arrivé. Dieu met sur notre route des personnes qu’il désire aimer par nous.
Oui, c’est cela ! Il suffit d’aimer, tout est là. Et si tu manques cela, il ne te reste plus que des rites, de la morale et des croyances. Bien utiles certes, mais coquilles vides s’il n’y a pas d’amour. À certains jours, cet amour sera simplement fait de petits gestes spontanés. D’autres jours, il sera plus courageux : il s’agira de continuer à aimer la personne avec qui on vit tout le temps. C’est alors que le commandement peut être utile. Mais parfois, l’homme peut aller jusqu’à l’héroïsme : donner sa vie par amour. Oui, l’homme en est capable, car il est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Ce jour-là, l’amour n’est plus un commandement, mais une certitude : Tu es aimé, alors aime donc à ton tour!