INTRODUCTION
Le Seigneur nous appelle à donner par amour. A tout donner. A y aller à fond. Oui et pourtant… Il nous a créés avec des limites. Nous ne sommes pas infini comme lui. Comment gérer cela ? Comment répondre à l’amour brûlant du Seigneur sans nous cramer ?
On sait que le don de soi est un point essentiel de notre foi. Le Seigneur nous appelle à nous donner. Dieu le Père a donné son propre Fils qui s’est incarné pour nous. Il nous a livré sa vie. Il est mort sur une croix pour chacun de nous en particulier. A son exemple, Jésus nous confie la mission de nous aimer les uns les autres. D’aimer notre prochain comme nous-mêmes. Jusque-là, c’est sympa. Cela peut, a priori, ne pas être facile mais on en a envie. L’amour c’est chouette.
Et puis ça continue… Dans saint Jean, je cite : Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Ou encore, toujours en saint Jean : Si le grain de blé ne meurt pas il ne porte pas de fruit. Là ça commence à piquer un peu. Et enfin, toujours en saint Jean : comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Donc, on doit aimer comme Dieu. Dieu qui est l’amour. On doit aimer comme l’Amour. Ah… Bon OK. C’est super beau mais nous on n’est pas Dieu.
Et bien oui les amis, moi je vous le dis d’emblée : c’est impossible. Donc fin de topo. Non je rigole parce que.. notre Dieu est tout puissant. Et donc, pour nous ce n’est pas possible mais pour lui c’est possible. Et s’il nous le demande, c’est qu’il veut le réaliser en nous, vraiment. Il veut nous faire participer et donc il met à notre disposition des moyens.
Regardons les choses en face : des dizaines de milliers de Burn Out chez nous. De la fatigue partout. Et les personnes les plus touchées sont les professionnels d’aide : les médecins, les soignants, les éducateurs, les prêtres et les bénévoles au service des autres… Bref, des personnes qui se donnent et qui ont un haut idéal.
Dieu veut-il que nous finissions tous en burn out ? Et les multiplications de reconversion professionnelle et les divorces ? Est-ce qu’on ne ferait pas mieux de vivoter tranquillement ? Bien sûr que non parce que Dieu veut nous donner la vie et la vie en abondance. Il nous invite à nous donner et il n’a pas du tout en tête de nous perdre. Au contraire, car il veut notre joie. Et je cite les Actes des Apôtres : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Comme toujours dans notre foi, ce sont les lieux les plus chers à Dieu qui sont les lieux de combat. Le démon cherche à nous détourner du plan divin d’amour. Alors, ce n’est pas étonnant qu’il y a de la difficulté. Parce qu’il y en a un à qui cela ne plaît pas du tout.
Alors comment faire ? Comment répondre à l’appel du Christ de nous donner sans mesure ? La question est vaste et la réponse se trouve d’abord en Dieu. Il n’y a pas de recette miracle mais j’espère que les pistes que je vais vous livrer vous aideront à faire un petit pas de plus dans ce grand mystère de notre foi. Ce qui va suivre se veut concret pour vous aider à assumer vos divers engagement sans vous épuiser et en restant connecté à Dieu.
PISTE 1 : SE RECEVOIR DE DIEU
Pour nous donner sans nous épuiser, il faut d’abord nous recevoir de Dieu. Nous nous sommes des êtres finis et lui, c’est la source inépuisable. Le burn out peut vraiment être qualifié de la maladie du don. Nous avons à convertir notre manière de nous donner. En passant d’un don « initiative » (je suis à l’initiative du don) à un don « réponse » (où Dieu est là l’origine). En d’autres termes, pour se ressourcer, allons à la source. Si nous cherchons à nous donner, à aimer notre prochain avec nos propres forces, nous n’allons pas tenir longtemps. C’est en recevant du Seigneur la source inépuisable d’amour que nous pourrons, à notre tour, nous donner par surabondance.
Pour illustrer cela, reprenons l’image de saint Bernard de Clervaux. Je vous cite les paroles du saint : L’homme est comme une vasque. Il n’est ni une citerne (dont l’eau n’a ni origine ni destination) ni un robinet qui distribue l’eau sans se remplir.
Trop souvent, par générosité chrétienne, on s’épuise à donner sans limite comme un robinet ouvert qui ne se soucie pas de l’alimentation de la source. Nous ne sommes pas non plus un canal qui reçoit l’eau que pour aussitôt la redonner. L’homme est une vasque. Il reçoit l’eau. Celle-ci le remplit et seulement alors, il se répand sur autrui par surabondance.
La bonne nouvelle, c’est que Dieu veut nous donner en abondance. Il veut nous donner son amour. Il veut nous donner la vie. Ecoutons ce qu’il a dit à sainte Marguerite Marie Alacoque à Paray le Monial : Mon divin cœur est si passionné d’amour pour les hommes et pour toi en particulier, qu’il ne peut plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité. Il faut qu’il les répande par ton moyen. Qu’il se manifeste à eux pour les enrichir de ce précieux trésor que je te découvre. Jésus nous dit que son amour pour nous est si abondant, si brûlant que lui-même, Jésus! qui est Dieu ne peut plus retenir ces flots… Rendons-nous compte ! Le Seigneur a un amour immense à nous donner. Il se donne sans mesure. Alors, puisons. Pour accéder à ce puits d’eau vive, nous avons plusieurs seaux.
- Le seau de la prière (Demandons à Dieu de nous faire rendre compte de cet infini amour. Prions-le d’ouvrir nos yeux. Faisons nous des mendiants d’amour auprès de lui car il veut combler les désirs de nos cœurs.)
- Le seau de sa Parole (Regardons les Ecritures : Dieu nous conte son et je ne vous parle pas simplement du Cantique des Cantiques qui est, c’est vrai, une somptueuse lettre d’amour. Regardez la fidélité de Dieu avec son peuple. Ecoutez-le dire pour vous comme pour le prophète Jérémie : Ephraïm n’est-il pas pour moi un fils précieux ? Un enfant que j’aime. Chaque fois que j’en parle je dois encore me souvenir de lui. C’est pourquoi mes entrailles frémissent pour lui. Et dans Jean : Je ne vous appelle plus ‘serviteurs’ mais ‘amis’ car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître mais je vous appelle ‘mes amis’. Car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Et dans saint Jean encore : Ce n’est pas vous qui m’avez choisi c’est moi qui vous ai choisis et établis. Le Seigneur nous aime et n’a de cesse de le dire dans la Bible.
- Le seau des sacrements. Dieu se donne dans l’Eucharistie, le pain de vie. Il déverse sa miséricorde dans le sacrement de la Réconciliation. Quand nous tombons dans le combat, quand nous nous rendons complice de l’adversaire, retournons au Seigneur notre Père, plein de bonté. Il nous donne toujours la force de repartir et de nous relever. Demandons, lorsque nous adorons, de renouveler les grâces de notre baptême et de notre confirmation. Le saint Esprit, lui qui est l’amour entre le Père et le Fils nous a été donné. Nous avons donc été branchés à la source alors restons connectés.
- Le seau de la reconnaissance. Il s’agit pour nous d’ouvrir les yeux sur tout ce que nous recevons déjà de lui. C’est la raison pour laquelle nous sommes vraiment invités à entrer dans la gratitude. Gratitude ou action de grâce c’est rendre à Dieu ce qui est à Dieu. C’est nous rendre compte de toutes les grâces que nous recevons déjà et laisser monter vers le Seigneur notre reconnaissance. Nous nous recevons déjà du Seigneur. Ou plutôt Dieu nous donne déjà tout et nous avons à convertir notre regard pour apprendre à reconnaître la main du Père bien aimé dans notre quotidien. Il faut mesurer que nous ne sommes pas notre propre origine. Et remercier le Seigneur en qui nous pouvons tout puiser. Ce n’est pas toujours évident car notre cerveau est formaté pour nous faire repérer tout ce qui ne va pas. C’est un fonctionnement normal : pour nous protéger, il faut repérer les dangers ou les problèmes et agir en conséquence. Donc nous avons besoin d’entraîner notre cerveau à autre chose, au bien, au vrai et au beau en nous et autour de nous. En nourrissant notre cerveau des grâces que le Seigneur a fait pour nous, par nous et avec nous. Dans les plus petites choses, repérer sa divine attention pour chacun et chacune de nous : cela change tout. Nous prenons alors conscience que nous nous recevons de Dieu.
Ces différents seaux sont des armes puissantes pour puiser dans le Seigneur et remplir les vasques que nous sommes pour ensuite seulement, pouvoir nous déverser dans le monde en nous donnant par surabondance. Si vous ne savez pas trop comment gérer ces seaux, ne restez pas seul. La fraternité, la paroisse peuvent vous aider. En ce qui concerne la gratitude, je vous propose un petit exercice pour nous entraîner à repérer les merveilles que Dieu fait déjà dans notre vie. Cela ressemble un peu à notre questionnement de cellule : qu’est-ce que le Seigneur a fait pour moi récemment ?
- Chaque soir, relisez votre journée et notez trois choses qui vous ont fait du bien (3 cadeaux de Dieu dans votre journée, dans vos interactions). Ce que vous avez vu ou entendu et accompagnez cette relecture d’une action de grâce, d’un merci envers le Seigneur. Faites monter votre reconnaissance vers Dieu qui est à l’origine de tout bien et de tout don.
PISTE 2 : CONNAÎTRE NOS TALENTS POUR NOUS DONNER SANS NOUS EPUISER
Pour nous donner, il faut regarder ce que nous avons reçu pour savoir ce que nous avons à offrir. Vous connaissez la parabole des talents dans l’évangile selon saint Matthieu. Le maître distribue des talents à ses serviteurs. A l’un, il donne 5. A l’autre, 2 et à un troisième, un seul. Les deux premiers font fructifier leurs talents et les rendent au maître à son retour. Le dernier prend peur et les cache. Avez-vous remarqué la conséquence ? L’enjeu qu’il y a dans ce texte ? Aux deux premiers, le maître dit : très bien serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup. Entre dans la joie de ton seigneur. Et au troisième, le maître dit : quant à ce serviteur bon à rien, jetez le dans les ténèbres, là il y aura des pleurs et des grincements de dents. D’un côté, on a la joie éternelle. De l’autre, les pleurs et les grincements de dents. Je ne sais pas vous mais moi je sais dans quel camp j’aimerais bien être. Nous donner, faire fructifier nos talents et les offrir c’est un enjeu de salut. Et le Seigneur surabonde : à celui qui a on donnera encore et il sera dans l’abondance. Ainsi, une piste pour nous donner sans nous épuiser est de donner nos talents et pour pouvoir les offrir, il faut les connaître.
De quoi parle-t-on déjà ? Le dictionnaire définit le talent comme une aptitude particulière à faire quelque chose. On va garder cette définition large qui couvre nos qualités, nos compétences, nos savoirs reçus et acquis. Vous a-t-on déjà remercié pour quelque chose alors que vous aviez l’impression de n’avoir rien fait d’extraordinaire ? Parfois nos talents sont si évidents que nous ne nous rendons même pas compte qu’ils sont précieux. Et ça c’est une très bonne nouvelle pour apprendre à nous donner sans nous épuiser. Parce que cela veut dire qu’on peut offrir ses talents sans effort. Parce qu’ils nous ont été donné en abondance. Donc pour nous, c’est presque naturel.
Parfois aussi, nous n’avons pas l’impression d’avoir des talents. Alors là, ne vous faites pas avoir. Le démon aimerait bien nous faire croire que nous n’avons pas de talent parce que si on n’a pas de talents, on ne va pas se donner. Il est malin mais Dieu est plus fort. Dieu nous a voulus. Il a contemplé sa création du sixième jour (c’est-à-dire nous) et il a vu que cela était très bon.
Dieu nous a donné des grâces, des singularités, des talents. Certes, nous ne sommes pas notre propre origine. Ça ce serait aussi le jeu du démon de nous faire nous enorgueillir de nos talents. Nous portons en nous une grâce singulière reçue à faire fructifier et à offrir à notre prochain. Il existe de nombreuses manières d’identifier nos talents. Voici deux manières de les repérer sous forme d’exercice pour entamer ou confirmer cette connaissance de vous-même.
- Listez les réussites de votre vie (prenez-en au moins trois).
- Pour chacune, écrivez ce qui était attendu de vous.
- Comment avez-vous réussi à atteindre votre objectif.
- Quelles qualités et compétences cela a mobilisé en vous ?
- Et puis après, prenez un peu de recul. Regardez ces différentes réussites et repérer si des éléments reviennent plusieurs fois.
- Demandez à au moins trois personnes de votre entourage de vous décrire par écrit.
- Demandez-leur de vous attribuer trois qualificatifs qui vous décrivent.
- Trois qualificatifs qui sont à l’inverse de vous.
- Demandez-leur ce qu’ils aiment particulièrement de vous qui vous rend singulier.
Comparez les éléments issus de vos réussites et ce que vous renvoient vos proches. Peut-être que ces listes se recroisent ou alors peut-être se complètent-elles ? Ces talents qui ressortent… à qui et où voulez-vous les offrir ?
PISTE 3 : CONNAÎTRE NOS LIMITES POUR MIEUX NOUS DONNER ?
Dans la connaissance de soi en vue du don, il y a deux risques. D’un côté, celui de confondre humilité et mésestime de soi (pensant ainsi que nous n’avons rien à offrir). D’un autre côté, celui de l’orgueil et l’illusion de toute puissance qui conduit à nous attribuer toutes les capacités et qui risque ainsi de nous faire nous placer (souvent inconsciemment) en position de sauveur des personnes à qui nous (nous) donnons. Or, Dieu seul sauve.
Face à ces risques, notre garde-fou est de nous connaître en vérité, dans le réel et aux yeux de Dieu. Nous avons déjà exploré le premier risque précédemment (piste 2). Et maintenant nous allons regarder nos limites et fragilités qui pourraient nous conduire à l’épuisement dans le don de nous-même, afin de nous donner sans nous épuiser.
Nous n’avons rien d’autre à offrir que nous-même. C’est souvent bien peu. Devant Dieu, dans la mission, dans notre travail, dans notre état de vie, nous n’avons que cinq pains et deux poissons à offrir. Nous ne sommes pas maîtres de ce que Dieu va multiplier. Nous ne pouvons pas nous donner comme si nous étions illimités. Ces cinq pains et ces deux poissons, c’est ce que nous avons et c’est cela que nous avons à donner. Le reste, c’est le Seigneur qui s’en occupe. Nous ne sommes pas Dieu. Ne lui refusons pas nos cinq pains et deux poissons mais ne croyons pas non plus que nous-mêmes avons de quoi nourrir une foule innombrable. Et d’ailleurs, ce n’est pas ce qu’il nous demande. La bonne nouvelle c’est que sa providence pourvoit. Entrons dans l’humilité et la confiance.
Plus tard, nous verrons comment écouter les signaux de la fatigue et comment y remédier. Mais dès à présent, regardons ensemble comment désamorcer des mécanismes qui pourraient nous conduire à l’épuisement. Bien sûr, il faut tenir compte de nos tempéraments mais il faut tenir compte aussi de ce que l’on a voulu nous inculquer.
Vous connaissez tous ces injonctions internes qui influencent nos comportements et nos attitudes. Ils se manifestent souvent sous la forme de cinq principaux messages :
- sois parfait !
- fais plaisir !
- dépêche-toi !
- sois fort !
- fais des efforts !
Ces injonctions sont souvent attachés à notre système de reconnaissance et s’appuient sur une compréhension conditionnelle de l’amour. Le mécanisme psychologique est le suivant : comme tout être humain, j’ai le besoin de me sentir accepté, aimé, validé (c’est le système des reconnaissances). J’ai intégré que pour cela, je dois être parfait ou je dois faire plaisir ou je dois être fort, etc… Donc, j’agis en conséquence. Le tout, inconsciemment.
Quelques précisions avant de les présenter plus en détail.
- Ces phrases sont des simplifications de notre cerveau comme une croyance limitante (je crois que pour être aimé je dois faire plaisir). Cela ne veut pas forcément dire que nos parents nous ont dit ces phrases ou ont voulu nous éduquer comme cela mais c’est ce que nous en avons compris. C’est ce que notre cerveau a enregistré pour simplifier.
- Ces mécanismes se basent dans une compréhension conditionnelle de l’amour. Nous aspirons tous à l’amour inconditionnel et nous avons tous l’expérience de parents imparfaits (qui ont, pour certains, fait du mieux qu’ils pouvaient) mais qui sont, comme nous tous, atteints par les conséquences du péché originel. Mais la bonne nouvelle, c’est que nous sommes aimés d’un amour inconditionnel par le Seigneur. Ces 5 injonctions et ces phrases reposent sur un mensonge qui fait bien l’affaire du démon. Dieu nous aime et nous sommes vraiment dignes d’un amour inconditionnel.
- Chaque injonction représente malgré tout un point fort mais aussi un aspect sur lequel nous devons être vigilants, particulièrement dans le contexte du don de soi. Ces phrases inconscientes risquent de nous faire tomber dans le don – initiative ou dans l’épuisement.
- Nous avons tous, parmi ces cinq recommandations, un qui est prédominant mais nous pouvons être influencés par les autres également. Reprenons-les systématiquement.
- Sois parfait
Cette phrase incite à rechercher l’excellence et à accomplir les tâches avec une grande précision.
* Son point fort, c’est que cette exigence permet de servir les autres avec un haut niveau de compétence et de qualité (notamment en reflétant le souci du détail).
* Risque : cette injonction peut conduire à une exigence excessive envers soi-même et les autres. Ce qui nuit à l’humilité et à l’acceptation de ses propres limites.
* Question existentielle qui sous-tend cela : suis-je assez bien ? (rappelez-vous que cela repose sur un amour conditionnel donc la question devient : suis-je assez bien pour être aimé ?
* Dieu nous dit dans le Livre de Sophonie : Il exultera de joie pour toi. Il te renouvellera par son amour. Il dansera pour toi avec des cris de joie.
* Conséquence / conversion : plutôt que « sois parfait », nous devrions préférer : tu as le droit de faire des erreurs. Sois comme tu es.
- Fais plaisir
Ceci pousse à satisfaire le besoin des autres et à rechercher l’harmonie.
* Son point fort, c’est qu’il encourage une attitude bienveillante et altruiste aligné sur l’enseignement chrétien sur l’amour du prochain.
* Risque ou vigilance : cela peut nous amener à négliger nos propres besoins et à nous sacrifier excessivement au détriment de sa propre santé et de son bien être et finalement, ne plus se donner du tout.
* La question existentielle qui sous-tend cela : suis-je aimé ?
* Dieu nous dit comme au prophète Jérémie : Je t’aime d’un amour éternel, aussi t’ai-je gardé ma faveur. Trop beau.
* Conséquence /conversion : écoute-toi ! Prends du plaisir. Fais-toi plaisir. Exprime tes émotions.
- Dépêche-toi
Cela nous motive à agir rapidement et à éviter la procrastination (tendance à remettre au lendemain)
* Son point fort, c’est que cela aide à être efficace et réactif dans le service des autres. Cela peut être crucial dans les situations de besoins urgents.
* Risque ou vigilance : ceci peut créer un stress inutile et empêcher de prendre le temps nécessaire pour la réflexion et la prière.
* La question existentielle qui sous-tend cela : ai-je le droit d’être ici ?
* Dieu nous dit dans Isaïe : Ne crains pas car je t’ai racheté. Je t’ai appelé par ton nom. Tu es à moi.
*Conséquence / conversion : passons de « dépêche-toi » à prends ton temps.
- Sois fort
Ceci encourage à être résilient et ne pas montrer ses faiblesses.
* Son point fort c’est que cela peut inspirer courage et endurance dans les moments difficiles. Cela rappelle la foi et la force de la foi.
* Risque ou vigilance : cela empêche de demander de l’aide et d’exprimer ses vulnérabilités. Cela peut conduire à une surcharge et à l’épuisement.
* La question existentielle qui sous-tend cela : puis-je être faible ?
* Et là, Dieu est fort quand il nous dit par la plume de saint Paul aux Corinthiens : Ma grâce te suffit car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. Aussi Paul se vante surtout de ses faiblesses afin que repose (sur lui) la puissance du Christ. Je me complais dans les faiblesses, les insultes, les persécutions, les situations angoissantes car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort.
*Conséquence /conversion : prends conscience de tes forces et de tes faiblesses. Ne les cache pas. N’hésite pas à demander de l’aide. On apprend tous les jours.
- Fais des efforts
Ceci pousse à persévérer et ne jamais abandonner.
* Son point fort, c’est que cela favorise la ténacité et l’engagement constant dans les actions caritatives et le don de soi.
* Risque ou vigilance : cela peut entraîner un certain éparpillement, une fatigue chronique et un sentiment de surmenage. Le risque est d’avoir cette impression de n’en faire jamais assez et donc d’avoir du mal à se reposer et à se ressourcer.
* La question existentielle qui sous-tend cela : ai-je le droit de réussir ?
* Dieu nous dit dans Jérémie : Moi je connais les projets que j’ai formés à votre sujet. Projets de prospérité et non de malheur. Je vais vous donner un avenir et une espérance.
*Conséquence /conversion : Quantité ne signifie pas forcément qualité. Les efforts diminuent avec l’expérience. Fais-le simplement et prends du plaisir en le faisant.
Vous l’avez compris, ces petites phrases ancrées en nous, lorsqu’elles sont bien équilibrées vont devenir de puissants alliés dans la quête du don de soi et de la sainteté. Cependant, il est crucial de rester attentif à leurs excès et de démasquer le mensonge sur lequel elles s’appuient.
Quelques questions pour faire redescendre ces informations :
- Y a-t-il une ou plusieurs injonction(s) qui m’ai(en)t particulièrement parlé ?
- Comment ces phrases influencent-elles ou risquent d’influencer la manière de nous donner ?
- Comment résonne la question sous-entendue dans chaque injonction ? Quelle preuve ai-je de la réponse de Dieu à cette question ? Avec Dieu, quelle réponse ai-je envie de donner à cette question pour garder les points forts de ces moteurs tout en évitant les points plus dangereux.
PISTE 4 : COMMENT APPRENDRE A MIEUX NOUS REPOSER POUR MIEUX NOUS DONNER ?
Une première chose importante : apprendre à repérer les signaux de fatigue ou de dépassement de nos limites. Pour cela nous avons deux moyens : notre corps et nos émotions.
Prenons des petits temps de pause dans la journée pour nous demander : comment je me sens dans mon corps ? Quelles émotions sont en moi ? Cela peut faire l’objet d’une relecture le soir aussi avec l’exercice de gratitude. Si nous n’avons pas l’habitude de faire attention à cela, il est normal qu’au début on ne ressente rien. Se poser la question régulièrement va permettre de prendre un peu plus conscience de nous-même, comme un apprentissage ou une rééducation. J’observe et je note. Rien que cela au début. Et puis, quand cela devient plus facile de ressentir ce qui se passe dans notre corps ou nos émotions, on peut analyser un peu plus par rapport aux activités du jour. Par exemple, si vous avez sans cesse mal au dos, quels sont les mouvements ou positions que je peux arrêter ou améliorer pour ne plus avoir mal ou ne plus me blesser le dos.
Les petites douleurs, les émotions, ce sont tout autant des indications que nous pouvons apprendre à écouter pour prendre soin de nous et réduire les facteurs inutiles de stress et de fatigue pour concentrer notre énergie sur des choses vraiment importantes. Cela paraît basique mais si nous ne prenons pas le temps de nous écouter, nous n’allons pas repérer ces indications et donc c’est beaucoup plus dur de prendre soin de nous. Nous ne sommes pas des anges. Nous sommes incarnés. Le Christ s’est incarné pour assumer notre humanité. Nous avons un corps et il est le temple de l’Esprit. Prendre soin de nous, prendre soin de nos corps, c’est également utile pour servir notre prochain. Si je m’épuise, je ne sers plus personne. Lorsque je suis consacré ou marié, mon corps ne m’appartient plus tout à fait mais il est aussi pour mes frères ou mon conjoint. En prendre soin c’est servir l’autre aussi. Je ne parle pas d’écouter les moindres petits picotements pour trouver des excuses à l’inaction ni de faire de nos réactions physiques et émotionnelles notre boussole tyrannique. Il s’agit de soigner notre corps comme un outil de travail, comme un don reçu de Dieu dont nous ne sommes pas propriétaire mais intendant, que nous pourrons alors offrir.
Ensuite, apprenons à nous reposer sur Dieu, à lâcher prise, à nous détendre. Saint Séraphim de Sarov disait : acquiers la paix intérieure et une multitude trouvera le salut auprès de toi. Le repos fait du bien. Le septième jour de la création, Dieu se repose. Le repos est bon en lui-même et pas seulement au service du travail.
Il y a d’abord tous les moyens spirituels évoqué à la piste 1 (prière, adoration, sacrements, le désert, le silence, etc…). Usons-en à fond. Le Seigneur se donne en abondance. Il y ensuite les moyens humains qui ne sont pas à négliger non plus.
Pour explorer ces moyens je vous propose l’exercice suivant : tracez un tableau à trois colonnes sur une feuille et notez dans la première, les choses qui vous prennent de l’énergie. Dans la deuxième, les choses qui vous détendent et vous ressourcent. Dans la dernière, les choses qui vous donnent de l’énergie et qui vous stimulent. Quelques exemples : le bruit, les interactions, le cadre, dormir, prendre un bain, rester chez soi, faire du sport, voir d’autres personnes, se balader dans la nature, etc…) Mettez au moins cinq choses par colonne.
La première colonne nous donne des indices sur ce qui va vous épuiser plus vite. Si vous devez être dans ces situations-là, veillez à les limiter dans le temps et à prévoir des temps de ressourcement avant et/ou après.
Les éléments de la deuxième colonne vous permettent de recharger vos batteries lorsqu’on est stressé ou fatigué. Et notez que ces éléments peuvent prendre plus ou moins de temps. Parfois, il faudra attendre la fin de la journée pour piocher dans cette liste mais parfois il est possible de les intégrer au fur et à mesure de notre journée (par exemple écouter cinq minutes de la musique douce que vous aimez bien ou vous isoler dix minutes.
La troisième colonne vous servira lorsque vous aurez besoin d’un coup de boost pour vous remettre en mouvement.
Je vous encourage à enrichir ces listes au fur et à mesure de vos expériences et à aiguiser votre regard dans cette connaissance de vous-même pour anticiper les moments de fatigue et savoir ce qui vous permet de vous reposer. Les manières de se reposer vont dépendre de chacun. Il n’y a pas de recette toute faite à part la base (manger/bouger/dormir). Ce qui vous ressource est peut-être très différent de ce qui ressource votre conjoint, vos frères et sœurs ou vos amis. C’est en prenant conscience de ce qui vous prend de l’énergie et de ce qui vous en donne que vous trouverez votre propre recette pour votre équilibre.
PISTE 5 : CLES CONCRETES DANS LE DISCERNEMENT DU DON DE SOI.
Petit récapitulatif : pour vivre ce don de nous-mêmes auquel le Seigneur nous invite, nous avons parlé de l’importance de se recevoir du Seigneur et d’opérer la conversion du don. Nous avons évoqué comment mieux nous connaître dans le réel et dans les yeux de Dieu (talents et limites). Nous avons vu comment apprendre à nous reposer et nous ressourcer.
Voici quelques outils concrets pour discerner que ce soit le tout petit don du quotidien ou les grands engagements de nos vies. Là encore, ces éléments ne sont pas exhaustifs. Ce sont plutôt des pistes de réflexion.
La première chose à regarder lorsque nous discernons sur un engagement c’est notre état de vie. C’est d’abord là où nous sommes appelés à nous donner. C’est d’abord là que se trouve la réponse à la question : pour qui suis-je ? Alors regardons. Quel est mon devoir d’état ? Quelles sont les obligations et les responsabilités qui découlent de ma vocation ? de ma vie professionnelle ou de ma situation personnelle ? Célibataire, consacré, marié, parent, chirurgien, politicien, soudeur ou artiste peintre : les réponses ne seront pas les mêmes. Face à un engagement ou à une action de don de soi conséquente, posons-nous la question : est-ce que cet engagement est compatible avec mon état de vie ? C’est en hiérarchisant les priorités et en sachant dire ‘non’ à certaines choses pour un plus grand ‘oui’ que nous serons dans un don ajusté. Mon prochain, à qui je suis appelé à me donner, c’est d’abord mon conjoint si je suis marié. C’est ensuite mes enfants, mon travail. Dans la vie professionnelle, c’est d’abord mon collègue de travail et c’est d’abord ma sacristine ou mon paroissien si je suis prêtre. Notre état de vie nous donne une hiérarchisation dans le don de nous-même, une priorisation nécessaire. C’est comme l’histoire des gros cailloux.
Ensuite, si vous vous êtes déjà donné (ce dont je suis à peu près sûr), vous avez un trésor caché pour vous aider à discerner les dons présents et futurs. Cette pépite, vous pouvez la faire sortir de la mine par la relecture de vos expériences passées de don. Et la relecture des fruits en particulier. Et cela peut être des tout petits dons du quotidien.
Voici une méthode très simple pour nous aider à poser des choix d’engagement ou d’action charitable. C’est l’itération. Une itération, c’est un cycle de action/relecture/ajustement. Aujourd’hui, pour vos expériences d’engagement et de petites actions de don de vous-même, et demain après chaque occasion, prenez un temps de relecture. Placez-vous sous le regard de Dieu. Demandez son Esprit Saint toujours et relisez. Quels ont été les fruits de ce don ? Pour mon prochain ? Pour Dieu ? Pour moi-même ? Ai-je décelé en moi fatigue excessive, exaspération et rancœur ou paix et joie ? La fatigue n’est pas forcément un signe de mauvais don. Au contraire. Une bonne fatigue vient après tout effort et le don peut nous coûter. C’est normal. Mais regardez le degré et regardez les fruits dans votre cœur. Ce don vous a-t-il fait grandir en vertu ? en charité ? Demandez au Seigneur de vous éclairer. Tirez-en les leçons pour mieux vous ajuster la fois suivante par itération. C’est un travail de toute une vie et de tous les jours. Des réajustements seront toujours à opérer. Mais chaque fois que nous relisons avec le Seigneur pour ajuster, nous grandissons en connaissance de lui et nous nous mettons à son école afin de faire ce qui plaît à son cœur. (Discernement des esprits selon saint Ignace de Loyola).
Enfin, mûrir votre discernement à propos des lieux et des projets auxquels le Seigneur vous appelle à vous donner. Pour être à votre juste place et à vous donner sans vous épuiser, je vous invite à relire les différentes réponses aux différents exercices proposé dans ce parcours. Regardez s’il y a des éléments qui reviennent, les talents que vous avez identifiés. Dans quel projet ou au service de qui suis-je appelé à me donner ?
En reprenant les thèmes évoqués dans ce parcours, voici quelques questions à vous poser dans le cadre d’un discernement pour un engagement qui vous est proposé ou qui vous attire. Bien sûr, vous n’avez pas à vous poser toutes ces questions à chaque choix de don de vous-même. Ce n’est pas une check-list absolue pour chaque demande d’exercice de la charité ! Notre foi nous invite à servir le Christ avec une amoureuse démesure qui ne se résume pas toujours à poser le ‘pour’ et le ‘contre’ rationnellement.
- Est-ce que cela plaît à Dieu ? Est-ce que cela me fait grandir en amour de Dieu et des autres ?
- Est-ce que je peux le faire ? Est-ce que je sais faire ce qui m’est demandé ?
- Est-ce que les conditions sont réunies pour que je puisse puiser dans le Seigneur (temps de prière, repos, vie fraternelle, etc) ?
- Selon mon état de vie, est-ce que ce don, cet engagement, aujourd’hui, respecte l’ordre de mes priorités ? Risque-t-il un préjudice pour ma famille ou mon travail ?
- A mon avis et basé sur mon expérience relue, quels fruits positifs ou négatifs ce choix peut-il entrainer ?
Je vous partage, pour terminer cette phrase du père Pascal Ide dans un article sur la conversion du don.
Répétons-le : le bonheur c’est d’aimer donc de se donner. En conséquence, il ne s’agit pas de cesser de se donner mais de donner sans se blesser.
Soyons abondants dans les petits dons peu coûteux. Généreux dans les dons plus coûteux et donnons joyeusement nos talents. Jésus nous dit : Donne à qui te demande. Ne te détourne pas de celui qui veut t’emprunter. Exerçons-nous à la charité car telle est la volonté du Seigneur et telle est notre joie. En nous donnant, nous entrons en plus grande intimité avec le Seigneur lui qui s’est donné totalement. Terminons par cette bonne nouvelle paulinienne : Dieu est assez puissant pour vous donner toute grâce en abondance afin que vous ayez, en toute chose et toujours, tout ce qu’il vous faut. Et même, que vous ayez en abondance de quoi faire toute sorte de bien. (deuxième Lettre aux Corinthiens)